Izanami

12 - Chrysalide

Étendue glacée.

Immaculée.

Aveuglante.

Un froid mordant.

Paralysant.

Assassin.

Je ne sens plus rien...

Où sont passées les plaines de feu ?

Papa, pourquoi tu n'es pas là ?

Maman ne va pas bien...

Papa, s'il te plaît, reviens.

Où es-tu ?

— C'te carcasse de merde.

       Jade cligna des yeux.

       Elle se pinça sommairement l'arête du nez pour stopper ses pensées vagabondes et reprendre place dans leur monde avant de s'approcher de Wakasa, qui observait le lieu quémandé par le Yotsuya Kaidan pour leur affrontement.

       Dans ce port désaffecté non loin de Tokyo, un immense hangar abritait une étonnante structure : un vieux bateau en coque de bois, attaqué par la moisissure depuis des lustres, sans doute remonté d'un fond de plage.

       L'entrepôt de l'épave.

       Jade s'avança à l'intérieur et balaya l'endroit d'un regard sinistre. Elle ressentit une étrange fascination mêlée d'inquiétude à mesure que ses pas foulaient le sol. Le lieu était imprégné d'une atmosphère lugubre, témoin silencieux des jours révolus.

       Le vent marin s'engouffrait de toutes parts : entre les barres de la structure métallique, à travers les trous de la tôle et de la carcasse maritime, provoquant un hurlement sporadique, comme des fantômes prisonniers du passé. La mer s'écrasait contre les rochers et la tôle en bordure, créant un fracas constant qui résonnait dans tout l'habitacle.

— J'suis sûr qu'ils ont choisi cet endroit pour avoir de quoi faire niveau armes blanches, déclara Inui. Ça grouille de partout. Des pointes, des outils rouillés, des morceaux de tôles...

— Un coup à se choper une merde, répondit Wakasa.

— Quelle bande de connards.

       Inupi dévisagea Jade. Il était rare qu'elle se permette d'être vulgaire en tant qu'Izanami. Ses yeux examinaient l'endroit. Elle avait rarement vu un lieu en si piteux état. Wakasa avait sans doute raison : c'était un terrain de jeu parfait pour des raclures telles que leurs ennemis. Le combat ne serait pas aisé.

       Jade remonta la fermeture de son sweat, prise d'un frisson. Aujourd'hui, elle avait du mal à se concentrer. Ces derniers temps, ses cauchemars, plus nets, la remuaient. Mais ce repérage était important, elle devait se ressaisir. Elle ferma un instant ses paupières pour inspirer l'air marin.

       Un sentiment de liberté infini.

       En rouvrant les yeux, elle se perdit quelques secondes sur l'immensité de l'horizon avant de revenir sur la carcasse. C'était une structure impressionnante.

— Les gars, prochain rassemblement ici, on pêchera le repas.

— Très drôle, souffla Wakasa.

— On dirait que c'est à deux doigts de nous tomber sur la gueule, maugréa Takeomi.

— Aucun risque, la structure est bien accrochée, elle ne bougera pas, à moins d'un séisme, rassura Benkei.