Izanami

77 - Endless love

       Un bruit de pot brisé attira l'attention de Jade. Elle se précipita vers le genkan avant de s'arrêter net devant Mikey, tout penaud face au filet suspendu dans leur entrée et la plante explosée à terre. La jeune femme le fusilla du regard.

— Je viens de l'acheter.

— J'ai cru qu'il y avait quelqu'un. Réflexe.

— T'as mis une beigne à ma plante, Mikey !

— J'ai pas fait exprès !!

— Mon petit bébé plante... geignit-elle en ramassant la succulente gisant au sol. Maman va te donner un nouveau pot, ne t'inquiète pas.

— Ma meuf est complètement pétée avec ses plantes, rougna-t-il en esquivant la terre et les morceaux éparpillés. Pourquoi tu l'as accrochée en l'air ?

— Parce qu'elle était vendue comme ça ! s'exclama-t-elle en inspectant la petite plante. Tu peux ramasser le résultat de ta bêtise ?

       Non sans râler, Mikey s'exécuta pendant qu'elle prenait soin de son végétal. Une fois replanté avec précaution, Jade interrompit ses gestes, incertaine. Elle tourna la tête et observa Mikey jeter les débris à la poubelle. Dans cette action anodine, un pincement coutumier s'insinua dans les replis de son cœur.

— Manjirō ?

       Le jeune homme se retourna et l'interrogea du regard. La tristesse commune à ces rêves reprenait place, indissociable de cet état onirique ; une compagne familière qui accompagnait leur ballet mélancolique, dans ce monde imaginaire où ils se retrouvaient le temps d'une danse éthérée, au rythme de la mélodie des songes.

— Ne me laisse pas...

       À ces mots, le blond baissa doucement sa tête. Un sourire léger, chagriné, se dessina sur ses lèvres, là où Jade aurait tant voulu se complaire dans cette vie qui l'attendait hors de sa tête.

— Désolé, Aki.

— On a habité ensemble ?

— ... Je ne sais pas, mais on dirait, non ? Folle aux plantes.

       Jade quitta ses yeux pour contempler le lieu, plutôt spacieux, qui s'offrait à elle. Pour de jeunes adultes, c'était un bel appartement. Il y avait là une bibliothèque bien garnie qui occupait une partie du mur, quelques plantes en guise de verdure, des magazines de moto éparpillés çà et là, des restes de vaisselle témoignant d'une vie quotidienne animée, ainsi que deux énormes peluches en forme de taiyakis échouées sur le canapé. Autant de banalités qui composaient l'essence même d'une existence à deux.

— J'ai du mal à comprendre pourquoi je rêve parfois de moments comme ça... avoua-t-elle. C'est prémonitoire ou ç'a existé ?

— On est dans un rêve. Si ton inconscient ne connaît pas la réponse, moi non plus.

— ... Pourtant, je ne te connais pas. Comment je peux fabriquer des souvenirs aussi précis avec toi ?

— Parce que c'est quelque part dans ta mémoire... expliqua-t-il en s'approchant d'elle pour caresser ses cheveux en un geste réconfortant.

— Mais je ne peux pas avoir vécu de futurs avec toi...

— Tu sais à qui demander...