46 - L'arbre s'écroule

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Avec des cœurs brisés, comment pourrions-nous craindre
Quoi que ce soit pour un millier d'années ?
Libère-moi de mon sommeil
Fixe le, l'abîme
Ça blesse d'aimer lorsque je me souviens

Chelsea Wolfe



— Pourquoi t'es là ?

       Mikey releva la tête de son jeu vidéo. Le seul enfant présent dans la salle d'attente alors que le soleil brillait de mille éclats en ce samedi matin. Pourquoi donc venait-il dans cet endroit vide de quiétude ?

— Tu veux que je parte ?

— Non... Mais tu n'as personne à voir...

       Akina craignait de prononcer les mauvais mots, alors elle se tut. Une brume de silence endeuillé planait sur les deux enfants aux émotions contenues.

       En effet, dans ce dédale immaculé où la douleur régnait en maître, Mikey n'avait plus lieu d'être... Ou presque.

— Je t'attends et on va jouer au parc ? 'Fin, si ta daronne est d'accord.

— Tu peux lui demander quand elle reviendra... Si elle dit oui, je suis d'accord aussi.

— Obligé, elle va dire oui... J'suis Mikey, elle peut pas refuser !

       Akina sourit pour faire plaisir à son ami. Comment parvenait-il à rester aussi solaire ? À traverser cet enfer ?

       Comme quelque chose d'inné en lui, Mikey possédait une flamme intérieure qui refusait de vaciller, malgré les tempêtes. Pourtant, il y a peu, l'orage s'était abattu sur le rivage, et un oiseau s'était envolé pour toujours vers de plus vastes contrées. Il n'avait plus à s'infliger cet horrible endroit, dévoreur de joie.

       Depuis le funeste départ de la mère de Mikey, à chaque visite, Akina ressentait comme la présence d'un monstre tapis dans les couloirs, à l'affût du moins soupçon d'espoir. À la maison, dès que le téléphone résonnait, un court-circuit la mettait sous tension et activait des tremblements partout dans son corps. La douleur s'intensifiait et ça faisait mal. Toujours plus mal...



— Mon bébé Aki !

— J'suis pas un bébé, Papa.

       Le sourire d'Éric retomba légèrement. Sa petite fille lui semblait bien maussade depuis quelque temps.

— Akina... Est-ce qu'on t'embête à l'école ? Tu manges bien ? Tu sais, les mauvaises notes, ce n'est pas si important...

— Tout va bien. Faut pas t'inquiéter. C'est rien. Il n'y a rien.

       Éric posa un regard inquiet sur sa femme, qui hocha négativement la tête, confuse. Elle non plus, ne comprenait pas très bien cette fluctuation d'humeur. Peu après le décès de Madame Sano, le comportement de leur fille avait changé. Elle devenait de plus en plus taciturne, se murait dans un silence pesant, renfermée sur elle-même et elle semblait éviter à peu près tout le monde. Son mari ne manifestait pourtant aucun signe de rechute, pas de quoi la tourmenter. Au contraire, tout allait pour le mieux.

— Aki... Tu sais que tout va bien, n'est-ce pas ?

       Akina ne prit même pas la peine de hocher la tête. C'était un mensonge. Ils disaient la même chose à la maman de Mikey avant qu'elle ne parte pour toujours.

— Akina ? Quand ce sera le printemps, on ira voir les fleurs éclore au parc Sumida. On organisera un pique-nique sous les cerisiers !.. Akina ?!

IzanamiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant