74 - L'enfer de tes silences

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— Mais non, on va pas s'faire choper... T'es matrixée par les films.

       Au cœur de la nuit, Akina observa l'inconnu escalader le muret qui entourait l'école primaire de son enfance. Il lui tendit la main afin qu'elle le suive, la souleva sans difficulté, puis la fit passer de l'autre côté avant de sauter à son tour. Bien qu'un étrange brouillard entourât son visage, pourtant si proche du sien, Aki savait pertinemment qu'il arborait là une bouille triomphante à l'idée de braver l'interdit. Que faisait-elle là, déjà ?

— J'me rappelle plus en quelle classe on était... La A ou la B ? Boarf, on ira dans les deux ! ricana-t-il en essayant d'ouvrir chaque fenêtre sur leur passage.

— ... Qu'est-ce qu'il y a dans cette classe ?

       L'ombre se retourna pour la scruter dans la pénombre avant d'échapper un rire moqueur.

— Tu verras, mais t'étais d'accord pour venir...

       Consciente qu'elle devrait savoir ce qu'ils cherchaient, Akina se contenta de hocher la tête, puis suivit l'inconnu le long du bâtiment jusqu'à ce qu'enfin, une fenêtre ne s'entrouvre.

— Yes !! J'te l'avais dit qu'on en trouverait une mal fermée ! Vas-y, grimpe.

       L'ombre lui fit la courte échelle et en deux temps trois mouvements, Akina se retrouva à l'intérieur d'une salle de classe silencieuse, plongée dans l'obscurité. Sans les rayons de la lune, difficile de percevoir quoi que ce soit, et cela serait encore pire si l'inconnu décidait d'aller arpenter les couloirs vides du bâtiment. Il ne tarda d'ailleurs pas à se faufiler à ses côtés et sortit une lampe avant d'attraper sa main.

— Fais pas ta trouillarde.

— Je ne le suis pas, répliqua-t-elle en resserrant son étreinte. Tu sais où tu vas ?

— J'suis jamais venu de nuit, répondit-il en passant sa tête hors de la classe. Waouh, ça rappelle des souvenirs ! Avec un pote, on avait balancé des boules puantes ici, vers le bureau du directeur.

       Il désigna la porte ornée d'un écriteau indiquant DIRECTION et s'aventura dans le couloir, Aki sur ses talons.

       Le règne du silence au cœur d'une école déserte créait une atmosphère presque angoissante avec l'écho de leurs pas dans cette immensité vide. Toutefois, l'ombre à ses côtés dégageait une aura rassurante qui la mettait en confiance.

— Je crois que c'est par là... lui indiqua-t-elle en tirant sur sa main.

       L'ombre éclaira le couloir voisin, révélant dans un éclat les pancartes au-dessus des portes.

— Ah putain, ouais ! Bien ouej' !

       Akina sourit devant son enthousiasme d'enfant.

— T'as quel âge ? se moqua-t-elle.

— Cinq ans, plus quinze !

       La jeune femme roula des yeux, néanmoins amusée.

— Vingt ans, le début de la fin, railla-t-elle.

— Tu peux parler, t'as trois mois d'avance, la vieille !

— Imbécile !

       Elle distingua un sourire orner ses lèvres, désormais visibles, avant qu'il ne s'engouffre dans ce qui fut jadis, leur salle de classe de primaire. La pièce avait subi des transformations, arborant un aspect plus contemporain avec ses murs fraîchement peints et de nouveaux dessins. Akina entendit l'ombre marmonner, puis la vit s'approcher près de la fenêtre et un cri d'excitation perça les ténèbres.

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