50 - Pétale du printemps

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J'ai appris qu'il n'y a rien de plus terrible que d'être confronté
aux objets d'un homme mort. Les choses sont inertes :
elles n'ont de sens qu'en fonction de la vie qui les utilise. [...]
Elles nous disent quelque chose, elles sont là non pas
comme des objets, mais comme des vestiges de la pensée,
de la conscience, des emblèmes de la solitude.

Paul Auster


2005


— Hey, toi.

       La petite brune se raidit, prise d'un frisson, lorsque Mikey, la racaille du lycée, l'interpella, accompagné qui plus est de son immense ami tatoué. Il n'était pas spécialement méchant - elle ne lui avait même jamais adressé la parole - mais Kaori l'avait déjà vu malmener des élèves. Alors, plus que tout, elle ne voulait pas subir son courroux. De plus, l'air stoïque du blondinet n'aidait en rien à le rendre plus avenant.

— Moi ? déglutit-elle.

— Ouais. T'es dans la 2C, nan ?

— O... Oui, bafouilla-t-elle en tripotant le col de son uniforme.

— Elle est où, Harada ?

       Ah oui, c'est vrai qu'ils sont amis !

— À l'infirmerie. Elle a fait un malaise en cours...

       Voilà pourquoi elle n'était pas sortie et qu'elle ne répondait pas aux messages... pensa Mikey.

       Loin d'être inquiété par cette nouvelle, il s'y dirigea tout en baillant, accompagné de Draken. Ce dernier connaissait mieux l'établissement que lui et jouait au guide. Akina devait sans doute se reposer. Elle avait peut-être menti pour sécher.

       Cependant, son allégresse fut de courte durée lorsque arrivés à la salle de repos, il ne trouva aucune trace de Jade. Une étrange sensation de vide lui serra le cœur, et toute marque de somnolence disparut de ses traits à la réponse de l'infirmière :

— On a dû l'envoyer à l'hôpital.

— Hein ? Mais pourquoi ? Et lequel ?

— Je ne peux rien communiquer aux élèves... Est-ce qu'éventuellement, puisque vous êtes ses amis, l'un d'entre vous dispose des coordonnées d'un parent proche ? Nous n'arrivons pas à joindre sa mère...

— Comme si elle allait répondre, celle-là.

       Draken tenta de calmer la situation et de faire descendre la pression instaurée par Mikey, tandis que le petit blond scrutait la pièce à la recherche d'indices. Soudain, il prit un instant pour s'étirer en grande pompe avant de perdre l'équilibre et de se rattraper de justesse à une table non loin.

— On y va Kennychou, c'te meuf va rien nous dire.

       Draken fronça les sourcils dans une expression de désapprobation, tout comme l'infirmière face à ses paroles insolentes, mais il se contenta de lui adresser un salut poli avant de suivre son chef à la trace. Une fois dehors, Mikey brandit fièrement la note qu'il venait de chaparder.

— L'hôpital général.

— T'es pas croyable, soupira-t-il. Bien joué.

       Peu de temps après, à l'hôpital, les deux garçons trouvèrent la supposée chambre où ils n'étaient pas invités à entrer, et ils s'installèrent en face sur des banquettes inconfortables, sans un mot.

IzanamiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant