Izanami

14 - Traque

       Jade lisait attentivement les lignes qui défilaient sous ses yeux. Kokonoi avait demandé à la voir seul à seul dans les bureaux d'Izanami. La gravité de son ton ne présageait rien de bon.

       Enfin, Jade reposa les feuillets, puis s'enfonça dans son siège en fixant son ami.

— ... J'ai rien compris.

— Raaah, Jade ! C'est pourtant clair !

       Koko s'avança, prit un stylo et entoura certains montants parmi les différentes colonnes.

— C'est pas normal. Il y a des différences de plusieurs milliers de yens à chaque fois.

— ... Et donc ? Tu t'es pas trompé ?

— J'ai recalculé six fois ! s'indigna-t-il. J'ai envie de m'arracher les cheveux, mais j'en suis certain : quelqu'un détourne les fonds du gang.

       Jade souffla. Il fallait qu'on découvre un nouveau problème maintenant.

— Parfait.

— Parfait ? répéta-t-il, circonspect. Tu m'as bien compris ?

— Oui, calme-toi, répondit-elle en reprenant son sérieux. T'as vu avec Takeomi ?

— Non. Il a rien relevé, mais j'suis pas sûr qu'il bosse beaucoup sur la compta en ce moment, maugréa-t-il.

— Ils sont tous réquisitionnés pour faire des patrouilles, précisa-t-elle. Takeomi en impose, j'ai besoin de lui sur le terrain. T'es sûr que c'est pas un écart quelconque ? demanda-t-elle en reprenant les feuillets.

— J'ai repris sur les trois derniers mois et rien à signaler... C'est depuis cette histoire avec le Toman et le Yotsuya Kaidan que c'est le foutoir.

— ... Mais comment ils pourraient nous pomper de l'argent ?

— Ils peuvent pas. Par contre, ça correspond aussi à la période où on a annexé Roppongi.

       Jade croisa le regard de Koko, incertaine.

— Haitani...?

— Peut-être, j'en sais rien, Jade... J'ai pas l'impression qu'ils s'intéressent à tout ce qui est chiffres, mais... La coïncidence est bizarre. J'en ai parlé à personne.

       Kokonoi se tut. Son amie l'observait toujours. Elle sentait qu'il n'avait pas tout dit.

— J'pense qu'on a une taupe.

       Un léger soupir franchit les lèvres de la jeune femme. Il décela une pointe de tristesse dans son regard, mais il n'en était pas certain vu la vitesse avec laquelle cette émotion s'évanouit au fond de ses iris oscillants entre le vert et le bleu. Jade joignit ses mains, coudes sur son bureau.

— Tu penses que tu peux le choper ?

— J'vais tout faire pour. Ça peut provenir de n'importe qui, Jade... Sois-en consciente. Alors n'en parle pas...

       Face à son silence oppressant, Koko insista :

— Vraiment... Je sais que ça t'emmerde, mais si tu veux le coincer et avoir des explications concrètes, c'est le meilleur moyen. Je gère... Oublie que ça existe tant que j'ai pas plus d'informations.

— Tu crois franchement que ça pourrait venir d'un de nos commandants ?

— Non, mais je n'exclus pas la possibilité. Je vais d'abord me concentrer sur ceux qui bossent avec moi. Ensuite, j'élargirai.