Chapitre 6 : Elise

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Aujourd'hui, cela fait trois jours que je n'ai pas eu ma dose et cela se ressent dès mon réveil. J'ai l'impression de ma vie tourne au ralenti, je me sens triste sans aucune raison, et pire que ça, je ne sens plus aucune sensation au bout des doigts. Les ombres présentes dans ma chambre m'angoissent au point que j'ai du mal à respirer, comme si les murs se rapprochaient doucement au fur et à mesure de mon corps, qu'ils finiront par m'écraser que je le veuille ou non. Mon matelas semble trempé par mes sueurs froides, et si j'ai déjà subi des rechutes, celle-là est pire que les précédentes.

Impuissante, j'agrippe les draps présents sous mes doigts et tente d'appeler ma mère, sans succès. La première fois, ma voix ne semble pas vouloir passer le bord de mes lèvres. Pour la seconde, un rot sort du plus profond de ma gorge et l'odeur de pourri qui s'en dégage me donne une horrible nausée. C'est finalement au bout de la troisième fois que j'entends ses pas se précipité vers ma chambre, signe qu'elle m'a entendue. 

Je n'arrive même pas à bouger la tête, pourtant, je perçois du coin de l'œil l'entrée de ma mère avec le petit plateau qui contient ce qui est devenu mon petit bonheur liquide. Sans que je ne prononce quoi que ce soit, je sens ma mère m'agripper le bras et après quelques manipulations j'ai l'impression que l'air entre de nouveau dans mes poumons alors que mes membres sont tremblotantes.

- Nous avons attendu trop longtemps pour ta dose, m'indique-t-elle en se levant. Malheureusement je n'ai pas le choix d'agir ainsi, ça revient trop cher. Va à l'école si tu t'en sens capable, mais je vais devoir trouver une solution d'urgence, ou tu seras de nouveau à court. 

Je la regarde partir alors que je tente de remettre mes idées en place. Après quelques minutes, je réussis à me lever malgré ma tête qui tourne légèrement au point que je doive m'agripper à un mur pour rester debout. Je finis tout de même à aller sous la douche puis me préparer pour l'école. Et bien que je parte le ventre vide, n'ayant aucune faim, je me stoppe net lorsque je perçois, juste devant la maison, le corps d'un gars que l'on surnomme dans le coin Johnny Cash par pour son don dans le musique mais plutôt la ressemblance qu'il a avec ce dernier.

Le voyant complètement immobile, je m'approche doucement après avoir fermer doucement la porte puis tente de le faire réagir malgré ma voix tremblotante.

- Johnny ? Ça va ?  

Comprenant qu'il ne dit rien malgré ses yeux ouverts, je tente de l'attraper par les épaules afin de le secouer une bonne fois pour toute. Je ne le connais pas personnellement, mais savoir qu'il utilise les mêmes substances que moi et surtout, que je le vois constamment devant chez moi à longueur de journée me rassure dans le fait que ce que je fais ou laisse faire semble sans danger. Après tout, il fait ça sans l'aide de personne, et même si je n'ai pas forcément confiance en ma mère, elle me permet de maintenir mon cap dans ce monde de merde. Pourtant, c'est l'un de ses amis de shoot, celui-ci avec qui je l'ai vue dealer la première fois, m'apprend, en me stoppant dans mes gestes qu'il est cané depuis la veille, à cause d'une dose de trop. 

Si je suis sous le choc de ce que je viens de comprendre, c'est encore pire quand je vois cet homme faire les poches du mort pour prendre les dernières drogues en sa possession ou tout objet de valeur pouvant être revendus.

Néanmoins, je n'oublie pas que j'ai école et c'est donc par automatisme que je survies à cette nouvelle journée. Je tente de trouver une raison pour son geste. Je sais qu'il était très méticuleux quant à ses doses, c'est donc pas une erreur de dose trop puissante, mais il est drogué depuis des années, le corps ne s'y fait pas au fil du temps ?

Je suis complètement perdue, et savoir que l'on peut mourir d'une overdose du jour au lendemain me fait frissonner d'effroi. Une fois la fin de journée annoncer, je sors en passant devant l'infirmerie pour éviter le mouvement de foule. Pourtant, je finis par m'arrêter devant tous les flyers qu'elle à poser sur un présentoir.  

Alcool, grossesse, médicaments, diabète, le sexe et ses risques, il y en a pour toutes les sujets, pourtant, je décide de prendre celui sur les drogues et leurs effets. En marchant au ralenti, je déplie ce que je tiens entre mes mains et lit attentivement toutes les informations qu'il contient.

Ce que je vois me fait comme un électrochoc, les mains tremblantes, je plie consciencieusement le document avant de le glisser dans mon sac à dos. Je me rends compte de tout ce qui peut m'arriver, non seulement pour la dépendance mais aussi sur les effets néfastes sur le cerveau et le comportement, après tout, pour une dose, plus d'une personne serait prête à tout, et je sais que ça pourrait être mon cas un jour ou l'autre. 

C'est avec tout cela en tête que je décide d'arrêter de me droguer, je sais que je vais avoir du mal à décrocher, rien qu'avec ce que j'ai ressenti ce matin après trois jours sans rien, mais je suis décidé de m'accrocher, il est hors de question que je finisse comme Johnny, je ne mourrais pas comme ça, sur le bord de la route, avec une seringue dans le bras comme les drogués que je rencontre au cours de route. 

Constatant à peine le pas de la porte passé que ma mère n'est pas présente, je tente de m'occuper l'esprit pour arrêter de penser à tout ce qui s'est passé dans la journée. Inévitablement, je revois les moments de plaisanterie de Johnny avec ses amis juste devant la fenêtre de ma chambre. Il n'était pas méchant, loin de là, mais uniquement perdu et la drogue agissait sur lui comme un phare en pleine nuit, c'était une bouée de sauvetage, pour ne pas dire la seule. Et le fait que ses amis faisaient la même chose à dû le conforter sur le choix à faire, celle de rester dans la facilité.

Ayant besoin d'arrêter de penser, je tente de regarder la télévision trouver dans une décharge, mais rien n'enlève l'image que j'ai de lui, complètement inconscient devant moi. C'est donc avec une boule dans la gorge que je m'approche du bar de ma mère, du moins qu'elle garde pour ses clients, aussi rares soient-ils. 

Prenant la première bouteille au hasard, je dévisse le goulot avant de sentir la boisson, réprimant un haut le cœur, je finis par prendre une gorgée avant de tousser tant le breuvage m'irrite la trachée. Secouant la tête pour faire passer le goût désagréable, je recommence encore et encore jusqu'à ce que je ne puisse plus tenir sur mes jambes. Pourtant, je souris à cette idée, parce qu'enfin, je ne pense plus à rien de négatif. 

Mes années en enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant