Chapitre 1 : Elise

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Bien que quelques mois se soient passés depuis l'incarcération injuste de ma grande sœur, j'ai pris une année de plus ce qui annonce par la même occasion la fin de la primaire et le début de mes années au collège. Et si c'est déjà un grand évènement, qui annonce par la même occasion le début de mon adolescence, ma vie n'a jamais été aussi monotone depuis qu'elle est partie.

Chaque jour est comme la précédente, je me lève de mon matelas semi-usé après avoir pu en trouver un au bout de la rue qui n'avait, une première lorsque j'y pense, aucune trace de déchirure, de brûlure ou de tâche suspecte. Sachant qu'il s'agit d'un lieu comme mon ancienne ville, j'ai vérifié qu'il n'y avait pas non plus d'argent à l'intérieur. Plus d'une fois j'ai pu voir un règlement de compte à cause d'un mobilier foutu à la poubelle alors que du cash y était caché, les problèmes arrivent vite et j'aimerais d'autant plus ne pas m'y frotter autant que possible. 

J'en viens même à raser les murs dans ma propre maison : maman préfère par souci de conscience – et pour avoir été arrêtée pour racolage, de faire ses affaires à domicile. Les hommes prennent rendez-vous via un site, de ce que je sais, et viennent à la maison à une date et heure fixe pour faire ce qu'ils souhaitent avec ma mère, parfois un homme est seul, puis ils sont deux et ainsi de suite. Le maximum que j'ai pu voir, c'est cinq hommes en même temps lors d'une nuit. Je n'ai pas vue ma mère le lendemain avant le soir, sûrement trop fatiguée pour prendre soin de sa dernière enfant. 

Et si je m'attendais à être tranquille, après tout je ne connais personne ici et ne tiens pas à me familiariser avec des mauvaises personnes, la réalité fut tout autre quand l'un des élèves de ma classe à compris que ma grande sœur a tuée mon beau-père, même si c'est pour me protéger. En l'espace de quelques semaines, la nouvelle à fait le tour de l'établissement et je suis devenue la personne à fuir le plus possible. Alors quand ensuite, des familles se sont déchirées à cause de ma mère qui n'hésitait pas à faire chanter les hommes qu'elle saute pour plus d'argent, cela n'a pas arrangées les choses pour une intégration discrète. 

Je me suis faite harcelée tout le long de ma quatrième année, et je le sais, il en sera de même les années suivantes, sauf si je finis par changer d'école mais cela n'est pas gagné, et de toute façon, d'une manière ou d'une autre, je sais que tout recommencera, encore et encore. Probablement jusqu'à ce que cette affaire soit mis aux oubliettes ou que quelque chose d'encore plus glauque prenne le dessus sur cette affaire.

Je n'ai jamais eu de réponse de la part d'Anastasia. Je sais qu'elle a reçu l'une de mes lettres, pour avoir vue l'accusé de réception de celle-ci par mon ancienne voisine, mais je n'ai jamais eu le moindre retour, et ça ne ressemble pas à ma grande sœur. Je ne sais pas quoi en penser, surtout qu'elle à ma nouvelle adresse désormais, pourtant, je soupçonne ma mère de les avoirs interceptées, que ce soit les miennes comme les siennes. Alors comment pouvoir avoir une correspondance si quelqu'un cherche à semer la zizanie ? Impossible, naturellement. 

Cependant, aujourd'hui est un jour étrange. Non seulement ma mère s'est levée aux aurores, mais elle arbore également un grand sourire, chose qui n'est pas arriver depuis pas mal de temps maintenant. Je la vois guetter à la fenêtre la moindre présence, comme si elle attendait quelque chose de capitale pour sa vie future. Et c'est lorsque le facteur débarque et que je la vois sortir en courant que mon idée se confirme.

Prenant sa lettre après avoir probablement remercié le facteur plus d'une fois, je sais d'avance que ce n'est pas une facture mais une chose bien plus officielle. A peine rentrée, je la vois claquer la porte avant de se mettre sur ce canapé inchangé et déchirer l'enveloppe avant de lire de manière hâtive avant que le sourire sur ses lèvres se fait encore plus grand que le précédent.

- Maman ? Qu'est-ce qui se passe ? Demandé-je en restant dans le couloir.

- Une nouvelle magnifique, lance-t-elle sans quitter la lettre des yeux. Un nouveau départ même.

- C'est à propos de Tasia ? Elle va sortir ? Demandé-je avec un regain d'espoir. 

Mais le sourire fané me fait penser que j'ai tort, la regardant en fronçant les sourcils, alors qu'elle me traite d'idiote et que cela ne se fera jamais. De but en blanc, je lui demande ce qu'il en est et cela me glace le sang. Ma mère à tout simplement reniée ma grande sœur, me laissant donc fille unique tandis qu'Anastasia devient désormais orpheline.

- Mais pourquoi tu as fait ça ?! Dis-je folle de rage. Tu n'as pas pensé que je voulais garder Tasia à mes côtés ? Qu'elle aussi a besoin de soutien avec la prison ?! J'en ai rien à faire moi qu'elle ait tuée Etienne, au contraire ce n'était qu'un porc qui se servait de toi !

J'essaies tant bien que mal de me rebeller contre ma mère, qu'elle cherche à revenir sur cette situation, et pour le coup on peut dire que je lâche les vannes, laissant libre cours à tout ce que je cachais intérieurement, mais si je m'attendais à une réaction, qu'elle quelle soit, il en est rien quand elle m'annonce qu'elle ne reviendra pas dessus et qu'il faut juste que je m'y fasse, d'après elle, le temps guérie les blessures, et ce n'est qu'une fierté mal placé en plus de l'adolescence qui me fait réagir de la sorte, rien d'autre et certainement pas l'amour que je porte à ma sœur. 

C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à sécher les cours, bien qu'il soit trop tôt pour cela et que je sais que c'est un risque à prendre, notamment avec les services sociaux, je n'en fais rien et préfère me promener dans la ville d'à-côté, Sauget qui longe le Mississippi. Je profite de ce moment pour faire le point sur ma vie dans le domaine général. En réalité, j'ignore si tout aurait changé si ma mère n'aurait pas eu un autre homme après papa. Avec des "si" pourrait refaire le monde, c'est certain, mais je suis persuadé que tout aurait été autrement, que notre vie ne serait pas celle-ci si Etienne n'avait pas fait partie de nos vies. Peut-être qu'on aurait fini les mois difficilement, peut-être que non, mais on aurait été toutes les trois, et j'aurais gardée mon phare dans la nuit, l'unique présence rassurante depuis mon enfance.

Regardant comme tous les jours la photo de ma grande sœur, je sais que je voudrais plus que jamais être à ses côtés, mais surtout qu'elle n'accepterait pas que je mette ma vie en l'air de la sorte, mais je n'ai pas le choix, l'école est un enfer de même que les moments passés à la maison alors que maman s'affaire à son activité professionnel.

Je ne veux pas finir comme ma mère, c'est une certitude, et actuellement, c'est la seule promesse que je peux lui faire, et que je sais que je ne reviendrais pas dessus. 

Mes années en enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant