Chapitre 4 : Elise

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Aujourd'hui est censé être une journée des plus spéciales ; j'ai treize ans. Pourtant, je ne sais pas quoi faire. Bien entendue, j'aurais aimé avoir ma sœur à mes côtés, ne serait-ce pour 24H, afin de profiter de sa présence, mais cela est totalement impossible, alors je suis assise, à même le sol, en train de regarder à travers la fenêtre crasseuse de ma chambre avec des rideaux blancs que j'ai pu dans un vide-maison pour la modique somme d'un dollar.

En parlant de Tasia, j'ai appris que son transfert est reporter pour un manque de place apparemment, je ne sais toujours pas où elle ira mais je me doute qu'une année de plus au sein d'une prison pour mineure peut être bénéfique, elle lui permettra probablement de se préparer, même si c'est au pire. 

L'année écoulée, qui sonne aussi le glas de mon entrée au collège, a été des plus... compliqué. Notamment parce que le directeur, au courant de mon comportement bagarreur, ne m'a pas lâché d'une semelle, mais également parce que le harcèlement à repris grâce aux plus grands à qui je n'ai pas oser me frotter pour garder mon esprit de conservation. Pourtant, les passages à tabac à répétition n'ont pas permis à ceux-ci d'être sanctionner. C'est comme si le directeur fermait les yeux quand j'étais victime de la moindre agissement, mais n'hésitait pas à me donner une heure de retenue pour un fait ou un geste déplacé. Mais je ne désespérais pas, je me retenais tantbien que mal aux études, une manière aussi d'emmerder ma mère en lui montrantque je tiens à m'en sortir avec mon intellect plutôt qu'avec mon corps, même sic'est de plus en plus difficile de rester concentré.  

Je me reconnecte à la réalité lorsque j'entends la porte de ma chambre s'ouvrir. Regardant en direction de celle-ci, je vois ma mère, un gâteau dans les mains avec une seule et unique bougie allumée, s'approcher en entamant la chanson « joyeux anniversaire ». Cela fait des années que l'on ne le souhaite pas, comme toutes les autres fêtes par ailleurs, alors pourquoi celle-ci serait différente ? Son attitude me semble suspecte, tout comme son sourire avenant. Pourtant je la laisse faire et me contente de la regarder de là où je suis.

- Joyeux anniversaire Elise, j'espère que ce gâteau te plaira, j'ai dû rester éveillée une partie de la nuit pour être sûre que tu l'ais ce matin, me lance ma mère en le posant sur mon bureau.  

- Merci maman, mais tu n'étais pas obligée tu sais, dis-je tout en me levant.

- Ne dis pas de bêtise ! Treize ans c'est le début de l'adolescence, ça se fête !

- Si tu le dis, concluais-je en prenant mon sac à dos. Excuse-moi maman mais je dois y aller, je ne veux pas être en retard à l'école.

Ne lui laissant pas le temps de dire quoi que ce soit, je souffle doucement sur la bougie sans faire le moindre vœux avant de sortir de la pièce. Sachant que ma mère est toujours dans ma chambre, je sais par avance qu'elle va fouiller au cas où j'aurais envoyé ou reçu la moindre lettre provenant de Tasia, même si elle ne trouvera rien étant donné que je n'ai aucun contact, mais depuis la première lettre, elle est suspicieuse et reste à l'affut de la moindre correspondance inhabituelle. Et comme je ne parle à personne dans le domaine général, c'est du tout vue. 

La journée s'est passée comme toutes les autres, entre les commentaires des élèves de ma classe, les bousculades et pour changer un peu du registre quotidien, j'ai également eu le droit à de la peinture dans mon casier. Mais il est hors de question que je ne me plaigne à qui que ce soit, ils attendent que ça, et si je suis sûre d'une chose, c'est que tout le monde déteste les balances et les rapporteurs.

Je ne sais pas si c'est parce que je prends une année de plus ou pas, mais je commence à en avoir mal, je ne vois plus le bon côté de chaque évènement, finalement, je n'ai envie que d'une chose, pouvoir oublier, ne serait-ce qu'un instant, l'enfer et la solitude dans laquelle je suis depuis qu'elle est partie. 

C'est après une nouvelle heure de retenue que je rentre à la maison, il est tard mais il fait tout de même encore jour dans cette ville. Et si je traine dans les rues, avec un petit couteau dissimuler dans ma manche, je reste stoïque lorsque j'arrive près de chez-moi et que je constate qu'un groupe de jeune, légèrement plus âgé que moi, heureux au point de rire aux éclats, avec de la poudre blanche entre eux. 

Je n'ai pas besoin d'être devin pour savoir qu'il s'agit de drogue, après laquelle exactement est une autre histoire, mais j'ai trop souvent vue Anastasia en possédée, sans y toucher, pour savoir que c'est à la fois illégale, mais également dangereux pour notre santé et celle de notre entourage. Car s'il y a bien une chose que la drogue fait, c'est faire déconnecter une personne de la réalité et dans ce genre de cas ainsi qu'à la rendre accro, lors des moments de manque, elle est prête à tout pour la prochaine dose et n'a plus aucune notion morale. 

- Ils ont l'air heureux, tu ne penses pas ? Lance une voix que je reconnais très bien retentir juste derrière moi.

Sursautant avant de me tourner, je vois ma mère, un sourire en coin au bord des lèvres revenir probablement des courses si je prends en compte du sac de papier qu'elle tient dans les mains. Pourtant, son dire me laisse sans voix. Oui, ils ont l'air heureux, mais à quel prix au juste ? Au détriment de leurs familles ? De leurs dignités ? Et d'ailleurs, qu'est-ce qu'ils ont dû faire pour se payer un sachet ? Ce n'est sûrement pas en faisant la manche qu'ils ont pu réunir cette somme.

- Sûrement, dis-je d'une voix distraite. C'est la première fois que je vois comment ils sont après une dose... mais ce bonheur est éphémère, moi-même je le sais.

- Tu as probablement raison ma fille, mais tu ne peux pas savoir si tu n'as pas essayé. Se droguer peut être un excellent moyen pour échapper à la vie de tous les jours, surtout après une journée difficile. Si tu veux, je peux te piquer avec une dose, au moins tu sauras si tu aimes ou non et ne sera plus tenter de le faire, comme tu semble l'être en ce moment-même. 

Je n'ai pas particulièrement envie de me piquer, ce genre de geste ne m'a jamais tenter ou encore attirer, pourtant, j'en viens à suivre ma mère qui est partie prendre un sachet après avoir donné quelques billets à l'un des hommes présents en face de nous. Après un geste de la tête je me mets à la suivre avant de me poser sur le canapé défoncé, le bras droit tendue vers elle alors qu'elle me met un morceau d'élastique autour du bras, comme pour une prise de sang.

- Pour ta première piqûre je ne vais pas te mettre grand-chose, m'indique-t-elle d'une voix parfaitement calme. Le but est que tu te détente, pas que tu fasses une overdose dès la première prise.

Je ne comprends pas tout, pourtant je sens très bien l'aiguille me piquer au niveau du coude et une sensation de brûlure au fur et à mesure que le produit s'infiltre dans mes veines. J'ai des démangeaisons désagréable à l'endroit piquer, regardant le plafond, j'attends que sa promesse de détente apparaisse, mais rien ne vient même au bout de plusieurs minutes. C'est après que ma mère a compris mon désarrois qu'elle me promet que la prochaine me fera de l'effet, mais pour cela, je devrais attendre le lendemain le temps que celle-ci se dissipe de mon organisme, même si je ne sens rien de nouveau. Après qu'elle m'a dit de partir faire mes devoirs, je m'exécute comme en pilotage automatique. La soirée passe sans que je sente une différence, ce que ma mère à constater à plusieurs reprises. Je n'ai pas hâte ni même l'envie de réitérer l'expérience, pourtant, j'en suis à me demander si la prochaine pourra me donner la pause nécessaire pour trouver un peu de lumière dans ce monde de noirceur.

Mes années en enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant