Ève, juillet
Quand je suis descendue du taxi, je n'ai pas su quoi faire.
J'ai marché vers l'aéroport, instinctivement,
assaillie par le tumulte de la ville
- j'aimerais pouvoir dire que c'est pour ça, parce que
je n'avais plus l'habitude de tout ce monde
que j'ai fait marche arrière
mais ce serait mentir -
la vérité, c'est que
je savais très bien ce qu'il fallait que je fasse
mais j'étais terrifiée.
Alors, comme d'habitude, j'ai fui.
J'ai regardé l'avion partir et moi, en sens inverse,
je suis restée là.
J'ai regardé ma dernière chance droit dans les yeux
et, comme si ça n'importait pas tant,
je l'ai laissée filer.
Ophélie, juillet
Ce qu'Ophélie craignait le plus, c'était les questions. Les "comment va Florence", les "pourquoi tu n'as pas appelé depuis l'été dernier", "et la vie de couple alors ?". Elle redoutait les regards emplis de pitié lorsqu'elle avouerait la vérité, et c'était peut-être pour cette raison qu'elle ne leur avait rien dit quand c'était arrivé, qu'elle avait tout gardé pour elle. Peut-être, aussi, parce qu'ils n'auraient pas su comment l'aider, comme ils n'avaient pas su comment aider Ève. Ophélie ne voulait pas retenter l'expérience, alors elle n'avait rien dit.
Elle descendit du train avec un soupir, traînant sa lourde valise derrière elle. Elle avait ramené ses cheveux blonds en un chignon, mais cela n'empêcha pas la chaleur de l'assaillir lorsqu'elle quitta la gare, comme un mois de juillet qui commençait sans tarder. Elle était nerveuse à l'idée de tout ce qui pourrait advenir dans les semaines qui venaient, mais ses pas la portaient instinctivement vers la maison des parents de Milo, comme si elle savait que c'était là qu'elle devait aller. La seule fois où elle s'était rendue chez Milo, c'était pour l'aider à déménager, et malgré le peu de temps qu'ils y avaient passé, elle avait adoré l'air marin et le défilé des touristes en shorts et tongs dans la rue. Elle avait hâte de retrouver cette atmosphère, malgré toute la nervosité qu'elle ressentait.
À peine avait-elle appuyé sur la sonnette que la porte s'ouvrit. Milo lui apparut, grand sourire dans son short multicolore, tenant une bouteille de limonade dans la main. Il avait changé depuis la dernière fois, s'était rasé la barbe et avait laissé ses cheveux boucler. Elle avait toujours trouvé qu'ils étaient plus beaux au naturel.
"Te voilà enfin, s'écria Milo. On commençait à s'inquiéter ! Rentre, on a gardé un peu de fraîcheur à l'intérieur. Ève n'est pas avec toi ?"
Ophélie déposa sa valise dans l'entrée et ôta ses chaussures avant de répondre que non, Ève n'était pas avec elle ; qu'elle avait dû prendre le train suivant, plus pratique depuis l'aéroport, qu'elle devrait arriver dans la soirée. Milo lui glissa d'autorité un verre entre les mains et y versa de la limonade, avant de la guider vers le salon.
"Léandre et Cara sont déjà là, on était en train de planifier les activités. Entre la plongée et les musées, tu préfères quoi ?
- Les musées, sans hésiter, répondit-elle en souriant."
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C'est avec Ève que tout a commencé
General FictionIls se sont connus au théâtre, alors qu'ils avaient quinze ans et les yeux emplis d'étoiles. A l'époque, ils donnaient vie à des histoires tumultueuses, splendides et dévastatrices, du genre de celles qui vous prennent aux tripes et ne vous laissent...