Chapitre 19

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Je me réveille le lendemain avec un enthousiasme teinté d'appréhension. J'ai peu dormi. Mes pouvoirs m'obnubilent et je ne parviens que difficilement à prendre contact avec la réalité. Je meurs d'envie de réaliser un nouveau test sur le champ, car Jérémie a déserté notre chambre en avance, comme à son habitude. Ce qui ne serait pas raisonnable. La journée commence à peine. Il serait imprudent de m'épuiser dès le petit matin. Et puis, qui sait, peut-être que tout ce que j'ai accompli hier n'était qu'un rêve éphémère. Si ça se trouve, je vais me rendre compte aujourd'hui que je suis toujours incapable de faire autre chose que de changer les couleurs. Le retour sur terre sera dur. Autant ne pas brusquer les choses. Il me suffit de faire comme si tout était normal. Oui, oui, oui. Enfin, normal pour le seul garçon fée jamais né, si tant est qu'une telle chose existe.

Je pars prendre ma douche, ma serviette enroulée sous le bras, toujours plongé dans mes pensées. La salle de bain est bien animée, à cette heure, mais je parviens à me trouver une cabine vide, en prenant soin de ne pas oublier mes vêtements, cette fois-ci.

Je me savonne vigoureusement (avec du savon tout ce qu'il y a de plus ordinaire, pas avec la savonnette changeuse de destin qui m'a joué un mauvais tour, l'autre jour) avant de me rincer. Je coupe l'eau et j'observe les flaques d'eau qui perlent sur le carrelage de la cabine. Ma petite sœur Mélusine est capable de produire toutes sortes de bêtises à partir de gouttes. Comme de me balancer de l'eau en pleine figure le dernier jour où il m'était possible de faire la grasse matinée, par exemple. Elle est toujours très inventive, quand il s'agit de me faire tourner en bourrique.

Je me dandine d'un pied sur l'autre, nu comme un ver. Mes doigts s'agitent et me démangent. Et je ne peux pas m'en empêcher. J'essaie d'utiliser mes pouvoirs. Juste un tout peu, pour voir ce qui pourrait se passer, sans avoir d'idées précises en tête.

L'eau se met à frémir et mon rythme cardiaque s'accélère. Ça... ça marche ! Les gouttes convergent à une vitesse folle. Je retiens mon souffle, émerveillé. À cet instant précis, je me sens capable de tout accomplir. Je ne suis plus Vivien le garçon fée ratée. Je suis...

Puis survient comme une explosion silencieuse. Une seconde plus tôt, j'étais tranquillement debout, en train de jubiler. La seconde d'après, je me retrouve entouré de glace accrochée aux parois de la cabine comme des stalactites dans une grotte.

Je me mets à grelotter, mourant de froid, tandis que l'intérieur de mon crâne se répand partout comme de la lave en fusion (c'est du moins l'impression que j'ai, mais, comme il n'y a pas de morceaux de cervelle partout, je suppose que ce n'est effectivement qu'une impression).

Je m'effondre à genoux en gémissant. Je me prends la tête à deux mains. Je voudrais hurler à pleins poumons, mais je me retiens de toutes mes forces pour ne pas attirer l'attention des autres gars qui se douchent en même temps que moi et qui ne paraissent heureusement rien avoir remarqué.

Je reste prostré à terre un moment, attendant que la douleur s'atténue. Elle finit d'ailleurs par le faire plus vite que la veille. Il faut croire que mon corps s'endurcit.

Je me redresse dès que j'ai retrouvé assez d'énergie pour tenir debout. J'ai cours, moi. Je ne peux pas me permettre de passer toute la journée à me prélasser sous la douche. Je m'habille donc tant bien que mal, je sors, les jambes toutes tremblantes... et j'entre en collision avec un torse qui sortait d'une cabine en face. Quand je lève la tête, je me rends compte que, bien sûr, c'est Auguste Koch, pour une fois habillé de pied en cap. Apparemment, je n'ai plus besoin de la savonnette changeuse de destin pour tomber sur lui...

— Décidément, commente le loup avec un petit sourire. Je vais finir par croire que tu me suis lorsque je me rends à la salle de bain. C'est une attitude quelque peu perverse, dis-moi.

Le lycée des Surnaturels (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant