Chapitre 66

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— Tout est de la faute de Titania, monsieur, attaque aussitôt ma jumelle, les poings serrés, sans même laisser à notre proviseur l'occasion d'ouvrir la bouche. Elle a jeté un sort sur Vivien qui lui a donné d'horribles boutons partout !

Elle attrape alors mon poignet sans prendre la peine de me demander la permission pour dévoiler les affreuses pustules de mon bras gauche, plus rouges et plus gonflées que jamais. 

— Ce n'est pas à cause de cela, je proteste en essayant de me dégager. C'est à cause de la maginé... euh... euh... de mes allergies !

Morgane me fusille du regard. J'arrive enfin à arracher mon poignet, ce qui me permet de couvrir à nouveau mon bras. Enfin ! Quelle idée de me déshabiller comme cela ! Devant M. Marlin, en plus... Les boutons, c'est quelque chose de privé. On ne les montre pas à n'importe qui.

Je prends une inspiration indignée. Mes poumons s'emplissent d'un air dans lequel flotte un parfum subtil qui me paraît chargé d'énergies magiques. 

— Bien sûr que c'est exactement à cause de cela ! s'exaspère ma jumelle en dirigeant sa colère vers moi. Elle était apparemment furieuse que tu l'aies repoussée et elle a décidé de s'aider de la magie. Et elle a envoûté ton loup pour qu'il rompe avec toi sauf que, apparemment, ça n'a pas marché exactement comme elle l'aurait voulu, qu'il a réagi bizarrement. Et elle t'a fait boire deux filtres d'amour qui n'ont apparemment que réussi à te donner des boutons. Ton statut féérique doit t'immuniser contre ce genre de sorts et ton corps se contente de réaction allergique. Ou alors Titania est juste une nulle, ce qui ne m'étonnerait pas plus que cela.

Je fronce les sourcils. Attendez... Le coup du filtre d'amour n'a aucun sens. Mais il est vrai qu'Auguste m'avait paru envoûté, le jour où j'ai découvert l'existence de mes ailes. C'était à cause de Titania ? Oui, au fond ce n'est pas si étonnant !

Je me raidis, envahi à mon tour par la colère. Auguste aurait pu mourir de sa chute ! J'aurais dû laisser Morgane refaire le portrait de Titania. J'aurais peut-être même dû l'aider.

Puis je me rappelle à regret que la violence ne mène à rien.

M. Marlin, qui nous observait avec intérêt, se racle la gorge.

— Je ne doute pas que votre colère ait été légitime, mademoiselle Guyonvarc'h, dit-il enfin. Néanmoins, il aurait mieux fallu venir me signaler le comportement pour le moins déplacé de mademoiselle Prigent plutôt que de régler le problème vous-même à coup de poing. D'autant que les fées sont des créatures pacifiques, n'est-ce pas ?

Je ne peux pas m'empêcher de l'approuver d'un signe de tête. Voilà ! Je ne suis tout de même pas le seul à être au courant !

— Mais elle s'en vantait auprès de ses amies, proteste Morgane qui ne paraît pas ressentir le moindre regret. Et personne n'a le droit de toucher à mon frère !

Elle prend alors un air si féroce que je suis surpris de ne pas voir M. Marlin reculer.

— Vous feriez mieux de vous asseoir pour que nous puissions discuter calmement, nous dit-il en désignant deux chaises en cannage en face de son bureau.

Lui-même est installé sur un imposant fauteuil recouvert d'un velours rouge vif. 

Je m'empresse d'obéir tandis que Morgane prend le temps d'épousseter sa jupe d'uniforme avant de se poser sur la chaise avec la grâce d'une princesse. Elle ne paraît toujours pas éprouver pas le moindre remord pour son comportement. J'essaie de lui adresser des grimaces lui signifiant de faire au moins semblant, mais elle ne me regarde pas. Ses yeux sont fixés sur le proviseur comme si elle le mettait au défi de lui faire des reproches. Bon sang ! Ma jumelle me fait soudain penser à Grand-mère ! Si ça se trouve, quand elle aura son âge, elle sera exactement comme elle ! Quel cauchemar !

Je profite du fait d'être mieux installé pour jeter un regard curieux tout autour de moi. Le bureau du proviseur est encombré de tout un bazar, comme on s'y attendrait pour un magicien. Les murs sont garnis du sol au plafond de bibliothèques bien remplies de vieux grimoires poussiéreux qui doivent contenir toutes sortes de secrets. Des sculptures de créatures étranges décorent les étagèrent. On a l'impression qu'elles pourraient s'animer à tout moment. 

— Titania doit être punie, déclare Morgane avec hauteur. Pour envoûtement contre Auguste et empoisonnement contre mon frère.

Je fronce les sourcils. Empoisonnement, empoisonnement... Il faudrait encore le prouver.

Puis je me souviens soudain du jus d'orange que Titania m'avait un jour offert. Et de la limonade lors de notre sortie. N'avais-je pas trouvé que ces deux boissons avaient un drôle d'arrière-goût ?

Je secoue la tête. Non, les boutons proviennent de la maginélose. Enfin, je crois...

Ou alors... Est-ce qu'il se pourrait vraiment que... Il est vrai que... que mes boutons sont apparus juste après le jus d'orange offert par Titania !

Ma tête se met à tourner. Morgane a raison ! Titania m'a réellement empoisonné !

— Vous aurez une retenue tous les soirs la semaine de la rentrée de janvier, Morgane, déclare pendant ce temps-là sévèrement le proviseur. Et vous aurez une rédaction de dix pages à me rendre sur le sujet de régler pacifiquement ses problèmes.

Je retiens mon souffle. Au moins, Morgane n'est pas renvoyée. ça aurait pu être bien pire.

Ma jumelle hausse un sourcil.

— Et Titania ?

— Mademoiselle Prigent devra répondre de ses actes. Une enquête va être menée. Dans l'immédiat, elle sera exclue temporairement de l'institut, dès qu'elle sera sortie de l'infirmerie.

Morgane fait la moue et marmonne qu'elle espère que ce temporaire deviendra définitif. Et que son séjour à l'infirmerie sera long, très long. Et qu'elle restera défigurée à vie.

M. Marlin fait semblant de ne rien entendre, ce qui vaut mieux pour ma sœur qui ferait bien d'apprendre à se taire, de temps en temps. Je sais bien que c'est Titania la plus fautive. Mais tout de même.

— Vous pouvez partir, mademoiselle Guyonvarc'h. Monsieur Guyonvarc'h, pouvez-vous en revanche rester un instant ?

Morgane plisse les paupières.

— Mon frère n'y est pour rien, monsieur, s'empresse-t-elle de préciser. Il n'a fait que nous séparer, cette pouf... euh... Titania Prigent et moi-même.

Le proviseur hoche simplement la tête.

— Je le sais. Je souhaite cependant m'entretenir avec lui au sujet d'une autre affaire.

Ma jumelle lui jette un regard méfiant et paraît sur le point de lui demander ce qu'est cette "autre affaire", trop habituée à se mêler de tous les aspects de mon existence. Elle se retient cependant au tout dernier moment, pour une fois, et quitte lentement le bureau non sans m'avoir jeté des regards éloquents me signifiant que j'aurai intérêt à tout lui raconter. Ce que j'aimerais bien pouvoir éviter, sans grand espoir.

M. Marlin attend qu'elle soit partie et ait fermé la porte derrière elle. Il tapote alors quelque chose sur son téléphone portable et tourne soudain l'écran vers moi.

— Vivien, pouvez-vous m'expliquer ce que signifie ceci ?

Je fronce les sourcils en m'emparant de son téléphone. C'est une vidéo sur tiktok. Le proviseur est sur tiktok ? Bizarre. Super bizarre, même. Quel est son pseudo ? Magicientropuissant.

Ah... Lui aussi a un certain égo, apparemment. C'est peut-être une caractéristique des magiciens.

Puis je m'intéresse au contenu qu'il souhaite me faire commenter. La qualité de l'image n'est pas excellente. La personne qui filmait se trouvait apparemment dans la rue et a zoomé au maximum. Elle a cependant déjà 500 k de vues, et ce chiffre continue d'augmenter. On y distingue... voyons... Des bouts de métal ? Des bouts de métal comme... comme sur la tour Eiffel ? Le point de vue recule soudain. Oui, c'est bien la tour Eiffel. Et la silhouette du type ailé qui voltige à son sommet en balançant des éclairs c'est... c'est...

Saperlipopette ! Je suis devenu une star d'Internet ! 

Le lycée des Surnaturels (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant