Chapitre 62

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Alors que nous approchons de minuit, que les estomacs sont bien remplis et que les conversations se font moins animées, M. Marlin se lève pour prendre la parole. Il lui suffit de se racler la gorge pour attirer tous les regards vers lui. 

— Mes chers élèves, commence-t-il de sa voix chaleureuse, il est malheureusement temps de mettre fin à cette agréable soirée. Vous devez avoir hâte de vous reposer suite à vos examens pour lesquels vous vous êtes donnés beaucoup de mal, d'autant que la plupart d'entre vous vont prendre le train tôt demain matin pour retourner dans leurs familles. Quant à nos loups de seconde, leur destin les appelle.

Des sifflements et applaudissements résonnent alors dans la pièce. Je ne participe pas à ce mouvement d'ensemble. Ni Auguste. Ni même Morgane et Jérémie qui, de là où ils sont respectivement, me jettent un regard pour toute réaction. Cela me fait un peu de bien de savoir que je ne suis pas seul à ne pas me réjouir.

M. Jung, le prof de sport, qui était jusqu'à présent assis à la droite du proviseur, bondit sur ses pieds, débordant d'un trop plein d'énergie, comme d'habitude.

— Allez les loups, hurle-t-il. Partons chercher l'amoooour !

De grands bruits de chaises tirées se font entendre. Les papotages repartent de plus belle.

Auguste et moi restons assis au milieu du brouhaha. Aucun de nous deux ne paraît avoir la force de se lever. Ce n'est que lorsque la salle est presque vide que je me décide à prendre l'initiative.

— Allez, viens. Je t'accompagne jusqu'au bus.

Auguste soupire mais accepte la paume que je lui tends. Pour une fois, c'est moi qui le hisse sur ses pieds.

Nous quittons le réfectoire bon derniers. Nous avançons dans les couloirs, main dans la main, si lentement qu'on pourrait nous croire à l'arrêt. Quand le moment est venu de quitter le bâtiment, l'alpha pousse la porte avec un gros soupir.

Le froid nous enveloppe aussitôt de ses doigts glaciaux. J'ai l'impression que la température ne fait que baisser, ces derniers temps. Nous devons avoisiner les zéros degrés, ce qui est loin d'être supportable. Pour une fée comme moi, en tout cas, qui n'a même pas pris de manteau. Les loups-garous, quant à eux, disposent d'une chaleur corporelle impressionnante qui les rend capables de se balader en t-shirt par n'importe quel temps (et d'exhiber leurs muscles, par la même occasion). Je me presse contre Auguste tant que je dispose encore de mon radiateur personnel. 

Soudain, j'aperçois le fameux bus de loin. C'est un long véhicule bleu capable de contenir tous les loups-garous de seconde et ceux de première et terminale qui n'ont pas encore trouvé leur âme sœur. Quelqu'un a trouvé amusant de coller de gros cœurs un peu partout. Malgré cette touche, il ne fait que m'évoquer un corbillard.

Auguste et moi nous arrêtons à bonne distance. Nous nous plantons l'un à côté de l'autre, les bras ballants, sans savoir quoi dire. Est-ce que je devrais sortir quelque chose comme : "tout est fini entre nous". Non, ça serait trop mélodramatique. À la place, je pourrais lui souhaiter d'être heureux avec son âme sœur. Sauf que je ne suis pas suffisamment altruiste pour cela. J'ignore qui sera la femme (ou l'homme, après tout, même si l'homosexualité est rare chez les loups, car la cérémonie de la Grande Lune vise surtout à assurer la reproduction de l'espèce) de sa vie, mais je la déteste déjà.

Je me rappelle soudain de l'existence de la figurine garçon fée dans ma poche.

— Tiens, je dis à l'alpha en lui remettant solennellement la petite fée. C'est ton cadeau de Noël en avance. Je n'ai pas eu le temps de l'emballer, désolé...

Auguste la prend et l'examine avec un mince sourire.

— Il est mignon, ce garçon fée. Pas autant que toi, bien sûr, mais presque.

Le lycée des Surnaturels (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant