Je m'enfonce le plus loin possible dans les bois, tremblant de rage. Mes poings s'ouvrent et se referment sans que je ne parvienne à les contrôler. Une tempête intérieure sévit dans mon crâne, menaçant de tout emporter sur son passage. La tension dans mes épaules est presque insupportable."Il faudra bien te rendre utile". "Lorsqu'il t'aura laissé tomber".
Les mots de Grand-mère tournent en boucle dans mon esprit. Chacun d'entre eux est comme un coup de poignard dans mon cœur et provoque une douleur profonde que je peine à contenir. Je voudrais tant pouvoir y être indifférent ! J'ai essayé de l'être pendant des années. Je me suis efforcé de me persuader que mon destin n'était pas si déplorable. Que j'avais de la chance d'avoir un tout petit pouvoir, alors que les humains n'en ont aucun et ignorent même l'existence de la magie ou des créatures surnaturelles. À la réflexion, j'aurais sans doute été moins frustré si j'étais né dans une famille humaine.
Les arbres géants sont suffisamment denses pour me cacher bien vite la vue du village. Leurs feuilles forment au-dessus de ma tête un dôme protecteur qui tamise la lumière du crépuscule. Les ultimes rayons du soleil créent des taches lumineuses sur le sol contrebalancées par les ombres projetées par les troncs rugueux.
Je respire un peu mieux une fois que je ne suis plus entouré que par la nature. L'air est chargé du parfum de la terre humide, des feuilles en décomposition et des plantes sauvages.
Je finis par ralentir le rythme. Je n'ai aucune destination en tête. Peu m'importe où je vais tant que ce n'est pas à l'endroit où se trouve Grand-mère.
Les feuilles mortes craquent sous mes pieds. Je finis par suivre un moment un mince cours d'eau qui serpente au milieu des arbres.
La forêt de Paimpont a quelque chose de mystérieux. C'est le genre d'endroit où l'on s'attend à croiser une licorne (elles n'existent pas, désolé) ou un dragon (idem). Ou une fée (ce qui est bien plus probable, mais chut).
La nuit est en train de tomber et je ne discerne plus très bien où je mets les pieds. Une fine brume monte du sol. Ma vision se brouille. Je comprends que je me suis mis à pleurer en sentant quelque chose d'humide coulé sur mes joues. Je les essuie aussitôt avec mon coude d'un geste rageur. Je refuse de verser une larme à cause de Grand-mère. C'est elle qui devrait se sentir mal de me traiter d'une telle façon. Je ne suis plus le gentil Vivien qui fait tout ce qu'on lui dit. Je... Je vais exploser ! Est-ce que cela ne me donne pas le droit de faire ce que je veux en attendant ? Je crois bien que si !
À force d'errer, je finis par avoir mal aux jambes. Le sol est humide et je préfère m'installer un peu en hauteur pour faire une pause. Cet arbre-là fera l'affaire pour une petite pause.
Je sautille sur place jusqu'à attraper une branche un peu plus basse que les autres sur laquelle je me hisse tant bien que mal. Je m'y allonge à plat ventre avant de me redresser prudemment en grognant, car la douleur à mes omoplates en a profité pour faire des siennes.
Je n'ai pas la moindre idée d'où je suis et je n'ai même pas mon portable avec moi. Il fait très froid, à présent et de la buée s'échappe de ma bouche. J'aurais dû emporter mon manteau. Mais mon coup d'éclat aurait été quelque peu gâché si j'avais fait un tour dans la maison avant de claquer la porte derrière moi.
Mon ventre gargouille. Je n'ai rien mangé à part ces quelques graines de courge et mon estomac n'apprécie pas beaucoup le jeûne que je lui impose. Peu importe sa contrariété. Je n'ai pas envie de rentrer. Je ne le ferai que lorsque je serai certain que tout le monde dort et que personne ne viendra m'embêter.
Les heures passent. Ou les minutes. Je n'ai ni montre, ni portable pour m'en assurer. Je ne suis tiré de ma torpeur qu'en entendant des feuilles mortes bruisser à quelques pas de moi. Quelqu'un approche en s'éclairant avec la lampe torche de son portable. Je n'ai pas besoin de baisser les yeux pour savoir qu'il s'agit de Morgane.
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Le lycée des Surnaturels (bxb)
FantasíaPas facile d'être le seul garçon fée jamais né ! Presque dépourvu de don magique, Vivien Guyonvarc'h ne s'attendait pas à briller en entrant au lycée secret des Surnaturels réservé aux créatures magiques. Il était en revanche loin de se douter qu'il...