Chapitre 53

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Le samedi après-midi, je vais retrouver sans enthousiasme aucun Titania au point de rendez-vous que nous nous sommes fixés, devant la grille du lycée. J'arrive le premier et je poirote un bon moment. J'étais sur le point de perdre patience et de me barrer, secrètement soulagé, lorsque je la vois soudain surgir sans se presser. Elle a revêtu une robe bleue très élégante ainsi qu'une paire de bottines à talons tandis que je me suis contenté d'enfiler mon uniforme, comme si nous étions un jour ordinaire, parce que j'ai oublié de me faire ma lessive et que je n'avais rien de présentable.

— Salut !

La jeune fille se penche vers moi pour me faire la bise. Réprimant un mouvement de recul, je la laisse faire.

— Salut.

Elle sent le parfum aux fleurs. Rien à voir avec l'odeur mâle d'Auguste qui me fait tant d'effet. Et c'est tant mieux. J'ai l'intention de ne pas penser à ce loup pendant notre petite sortie.

— Tu veux aller à un endroit en particulier ? me demande-t-elle.

Je secoue la tête.

— Euh... non...

Elle cligne des paupières, probablement pour me faire admirer le trait violet pailleté qu'elle s'y est étalé.

— Je connais un petit café super mignon à Montmartre, m'explique-t-elle. ça te tente ?

Je hausse les épaules.

— Si tu veux.

Peu m'importe, à vrai dire. Je ne suis pas là pour passer un bon moment, mais pour arrêter de penser sans arrêt à Auguste. Voilà, hop, j'enferme cet alpha à double tour dans un coin de mon esprit et je jette la clef au fond d'un lac, comme les amoureux le font sur le pont des Arts. Bien profond, le lac. Et vaseux. Le genre d'endroit où l'on a aucune chance de retrouver un objet perdu. Et sans que cela pollue la nature, puisque tout ceci ne se passe que dans ma tête.

Titania bavarde de tout et de rien sur le chemin. Elle ne me demande heureusement pas de participer à la conversation. Je n'ai qu'à pousser des grognements d'approbation de temps en temps. Cela ne me change pas trop de mes dialogues avec Morgane.

Le café se révèle bondé, bruyant et étriqué. Un jeune serveur aux cheveux blonds finit par venir vers nous et nous désigne un emplacement tout au fond.

Comme nous sommes à Paris, la table en bois de style rustique est minuscule. Il y a à peine la place pour y poser deux dessous de verre. Les jambes interminables de Titania frôlent les miennes. Je recule les miennes le plus loin possible d'elle.

— On se commande des boissons et des viennoiseries ? propose-t-elle en retirant son écharpe.

— D'accord.

Je regarde la carte écrite à la craie sur une ardoise et finis par prendre la même chose que Titania, par manque d'inspiration.

La fée s'est tue et me regarde fixement. Comme cela me met mal à l'aise, je ne sais pas quoi dire, je fais mine d'admirer la décoration de la salle. Les murs sont couverts de photographies anciennes du quartier et d'oeuvres d'art composées aussi bien de dessins en noir et blanc que de peintures très vives. Certaines sont très réussies.

Cela me fait penser qu'il y a bien longtemps que j'ai délaissé mon crayon. Je devrais peut-être reprendre le dessin, maintenant que je suis célibataire et que j'aurai donc beaucoup plus de temps libre. S'il m'en reste entre deux révisions...

— Tiens, ta limonade.

Je sursaute lorsque Titania pousse soudain un verre devant moi. Je n'avais pas vu le serveur revenir. Nos boissons sont accompagnées d'un panier de croissants.

Le lycée des Surnaturels (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant