Chapitre 15

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Il faut dire qu'Auguste Koch se révèle bien plus à l'aise pour s'y retrouver dans le métro parisien que Morgane et moi. Il a déjà des tickets sur lui, nous évitant de faire une longue queue à la machine, et n'hésite pas une seule seconde lors des correspondances. En plus, il est tellement imposant que personne n'ose le bousculer. Il me suffit de rester près de lui pour être tranquille, nonobstant les picotements dans mon nez et mes éternuements ponctuels.

Lorsque nous ressortons, la nuit a achevé de tomber. Il y a cependant tant de lampadaires et autres sources de lumière qu'on y voit comme en plein jour. Sans oublier la tour Eiffel qui clignote comme un sapin de Noël géant.

Je prends une grande bouffée d'air et le regrette aussitôt en constatant à quel point elle est polluée. Dans ce genre de cas, il m'arrive parfois de me dire que Grand-mère n'a pas complètement tort de s'obstiner à vouloir vivre au beau milieu de sa forêt.

La Seine se trouve sur notre droite, invisible. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée de balade nocturne, car les quais sont noirs de monde. Il y a surtout des couples, faut-il remarquer, à moins que la coutume parisienne soit d'avancer deux par deux en se tenant par la main, comme à l'école primaire, ce dont je doute.

J'enfonce mes mains dans mes poches pour éviter toute tentation.

— Tu veux aller te poser sur un pont ? suggère l'alpha.

Je hausse les épaules.

— Comme tu voudras.

L'alpha m'attrape par le bras pour m'extirper de la foule et me faire pivoter sur la gauche. Je le repousse aussitôt avec un regard d'avertissement qu'il fait mine de ne pas avoir remarqué.

La passerelle sur laquelle nous nous engageons est à peine plus dégagée. Je m'approche du rebord et regarde en direction du ciel étoilé. Je suis soudain pris d'une impulsion étrange. Mon corps se tend, comme s'il s'apprêtait à s'élancer dans les airs. Je redescends brutalement sur terre en me rappelant que je n'ai pas d'ailes. Cette constatation provoque en moi un choc qui me surprend.

Je secoue fermement la tête pour me reprendre. Plutôt que de rêvasser bêtement, je préfère promener mes yeux çà et là.

— Pourquoi est-ce qu'il y a tous ces cadenas ? je m'étonne en m'arrêtant sur un détail.

Les grilles de chaque côté de la passerelle sont en effet couvertes de milliers de cadenas. Il y en a partout, tant et si bien qu'il ne reste plus aucun espace vide.

Auguste tapote l'un d'entre eux, un particulièrement moche en forme de cœur sur lequel les initiales T + M sont gravées.

— C'est une tradition des amoureux, explique-t-il. Ils viennent ici depuis le monde entier, accrochent un cadenas symbolisant leur amour et jettent la clef dans la Seine pour que la serrure reste fermée à tout jamais. C'est romantique, non ?

Je fixe l'eau noire comme de l'encre, imaginant les milliers de clefs en train d'y rouiller.

— Pas vraiment. C'est plutôt peu respectueux de l'environnement.

Auguste soupire.

— Certes. J'aime bien le symbole, cependant. Je me demande si je ne le ferai pas avec mon âme sœur, lorsque je l'aurai rencontrée.

Je fais la moue sans rien répondre. Les âmes sœurs des loups m'ont toujours laissé assez perplexe. Ces derniers prétendent en effet que chacun d'entre eux naît avec une personne (en l'occurrence un autre loup) qui lui est destinée. Pour la rencontrer, ils organisent tous les ans un gigantesque événement rassemblant les membres de meutes de toute l'Europe. On appelle ça la cérémonie de la Grande Lune. À la fin, chacun est censé avoir trouvé sa chacune (et inversement). Après cela, ils se font des morsures cheloues dans le cou et passent le reste de leur vie ensemble (une perspective qui fait beaucoup rigoler Maman et les autres fées, tant elles trouvent cela ridicule). La date de cette cérémonie change tous les ans (elle dépend de savants calculs basés sur les cycles lunaires).

Le lycée des Surnaturels (bxb)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant