Je finis par me décider à me réfugier dans ma chambre que mon colocataire n'a pas encore regagnée. Après m'être débarrassé de ma veste que je jette sur mon bureau, je regarde à droite et à gauche, histoire de m'assurer que je suis vraiment seul. C'est bien le cas. Je vois mal, de toute façon, le magicien boutonneux se cacher sous mon lit ou celui de Jérémie pour le seul plaisir de me faire tourner en bourrique. À supposé qu'il soit responsable du phénomène de la bibliothèque, ce qui ne serait pas si surprenant que cela.Je me place au milieu de la pièce et prends une grande inspiration. Je vais essayer de provoquer un quelconque phénomène. Quand il ne se passera rien, je saurai que l'on s'est bien moqué de moi tout à l'heure et que le phénomène ne provient pas du tout de mes pouvoirs inexistants.
J'agite nerveusement les doigts et remonte les manches de ma chemise. Je ne sais même pas comment m'y prendre, ni quels essais réaliser. Je me représente Morgane et les mouvements qu'elle effectue lorsqu'elle utilise ses pouvoirs. Voyons voir... Le jour de notre départ, elle avait juste claqué des doigts en direction de sa valise pour la faire s'élever dans les airs.
Je me plante donc devant ma grosse malle avec l'impression tenace d'être un parfait idiot. Je ne sais même pas claquer des doigts. Je me suis entraîné pendant des heures, plus jeune, parce que je trouvais ce geste classe, sans cependant jamais réussir à produire un son correct. Quand je vous dis que je suis nul en tout !
J'observe donc ma valise, découragé par avance. Je lève la main droite dans sa direction... Et elle se soulève avant même que j'ai eu le temps d'échouer à claquer des doigts !
Je pousse un cri de surprise. La valise en profite pour s'élever encore un peu plus. Elle se met à trembler en même temps que mon bras. Je le fais soudain retomber le long de mon bras et mon bagage s'écrase dans le sol dans un grand fracas. Il s'ouvre en deux et les quelques sous-vêtements que j'y avais oubliés se répandent un peu partout sur le sol.
Toutes mes forces m'abandonnent. Je me laisse tomber sur mon lit, les jambes coupées.
Bon sang ! Que m'arrive-t-il ? Est-ce que vraiment...
Une vague de douleur me fend le crâne en deux. Je me prends la tête à deux mains en gémissant. J'ai la désagréable impression qu'un incendie est en train de ravager mon cerveau et que je ne peux rien faire pour l'éteindre.
Je sursaute lorsqu'on tambourine à ma porte. Je n'ai même pas le temps de dire d'entrer, car Morgane pénètre dans la chambre sans attendre d'y être invitée. Elle a l'air furieuse.
— Pourquoi n'es-tu pas venu ? crie-t-elle, les bras sur les hanches et les cheveux dans tous les sens.
Je cligne des yeux, paumé, la tête lancinante.
— Pas venu où ?
Ma voix est toute pâteuse.
Ma jumelle se pose sur le lit de Jérémie, furibonde.
— Aux sélections pour l'équipe de course de vol.
— C'était aujourd'hui ?
Je me fais fusiller du regard d'une terrible façon.
— Oui. Et tu avais promis d'être là !
Je me tords les doigts.
— Je... J'ai complètement oublié ! Je suis désolé, Morgane, je...
Elle se lève et se met à tourner en rond.
— Tu sais que je suis stressée, dans ces moments-là. Ça me rassure de te voir. Là, je me suis retrouvée toute seule, comme une idiote, alors que Titania Prigent était venue avec toute sa cour pour l'encourager.
Je lève timidement les yeux.
— Tu... tu n'as pas été prise, alors ?
Elle paraît soudain très surprise.
— Bien sûr que si ! Je suis arrivée première. Titania n'est finalement pas si rapide que cela. Elle était furieuse, d'ailleurs. Tu aurais dû voir sa tête ! Bon, elle fera quand même partie de l'équipe d'athlétisme, puisqu'elle était deuxième. Mais tout le monde sait maintenant que la meilleure, c'est moi.
Elle se rengorge tandis que ma culpabilité fond d'un seul coup.
— Bon, et bien tu n'avais donc pas tant besoin de moi que cela.
Je me prends un nouveau regard qui tue qui me fait me recroqueviller instinctivement sur moi-même.
— J'ai toujours besoin de toi. Nous sommes jumeaux. Nous sommes censés nous serrer les coudes.
Je me mords la lèvre.
— Je me rattraperai, je lui promets. J'assisterai à toutes tes autres courses. Tu sais bien que je suis ton fan numéro 1.
Morgane me jette un regard méfiant.
— Mouais. Je n'ai jamais eu l'impression que tu t'intéressais beaucoup à la course...
"C'est parce que je n'ai pas d'ailes !" ai-je envie de hurler. "Et que je refuse de m'intéresser outre mesure à quelque chose qui me sera à jamais inaccessible" !
Mais je ne veux pas contrarier davantage ma sœur qui m'en veut déjà assez. Je garde donc mon coup de gueule pour moi et je me contente d'affirmer que si si, j'adore la course de vol. Je ne suis pas certain que Morgane me croit. Elle se calme cependant un tout petit peu.
— Pourquoi fais-tu cette tête bizarre ? me demande-t-elle sans douceur.
Je me mords à nouveau la lèvre, cette fois si fort qu'un goût de sang se répand dans ma bouche.
— Pour rien, je réponds un peu trop vite.
Je meurs d'envie de parler à ma jumelle de mes pouvoirs qui paraissent se développer. Voire même de lui faire une démonstration, même si je ne m'en sens pas encore la force. Mais je préfère attendre d'en être sûr et certain que je ne suis pas en train d'halluciner. J'ai déjà accumulé suffisamment de ridicule pour le reste de ma vie. Et puis Morgane n'est pas d'humeur et ne sera pas réceptive. Il vaut mieux laisser l'orage passer, quand elle est aussi fâchée. Je la vois d'ailleurs entreprendre de passer ma chambre en revue, cherchant quelque chose sur lequel déchaîner sa colère.
— Tu ferais mieux de ne pas laisser tes affaires traîner, finit-elle par s'agacer en désignant ma valise ouverte et mes sous-vêtements qui traînent par terre.
Je me précipite pour relever la valise et la remettre dans son coin d'origine. Elle n'a pas eu l'air de trop souffrir de sa chute, heureusement. Je ramasse hâtivement mes sous-vêtements et les balance à l'intérieur.
— Voilà voilà, je dis alors à Morgane, espérant la calmer un peu.
Elle secoue la tête.
— Tu es vraiment... vraiment...
Et elle se lève et s'en va, apparemment excédée par ce que je suis et qu'elle ne parvient pas à définir. La porte vibre sur ses gonds après son passage, ce qui ne fait rien pour arranger mon mal de tête.
Je me rassieds sur mon lit en soupirant. Je me masse les tempes un moment, les yeux fermés. Je me sens vidé de toute énergie, ce qui est plutôt normal, si j'ai réellement utilisé mes pouvoirs. J'ai passé deux jours au lit, cloué par une migraine carabinée, après le jour où Mélusine m'avait demandé de teindre en rose toutes ses peluches. Il ne faut jamais trop pousser sur son don. Tout le monde le sait. Même moi. Simplement, j'avais voulu essayer d'impressionner un peu ma petite sœur, pour une fois, et j'en avais payé le prix fort.
Je m'allonge sur le ventre et enfouie mon front dans mon oreiller. La douleur reflue, peu à peu, sans disparaître complètement. J'en profite pour réfléchir un peu et mettre la main sur un détail qui me chiffonne. Les dons auxquels je semble avoir fait appel aujourd'hui sont liés à l'air. C'est certain. Or, l'unique pouvoir que j'étais jusqu'à présent capable d'utiliser semble plutôt relever de l'eau ou, à la limite, avoir quelque chose à voir avec les plantes. L'air et le changement de couleur n'ont rien à voir. Or les fées ne sont liées qu'à un seul élément.
Il y a quelque chose qui cloche et cela ne me dit rien qui vaille.
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Le lycée des Surnaturels (bxb)
FantasíaPas facile d'être le seul garçon fée jamais né ! Presque dépourvu de don magique, Vivien Guyonvarc'h ne s'attendait pas à briller en entrant au lycée secret des Surnaturels réservé aux créatures magiques. Il était en revanche loin de se douter qu'il...