Les yeux clos [ TOME I ]

XX

Karleen étouffait de colère et de honte mêlées. Comment avait-elle put utiliser son tortionnaire comme argument pour se défendre.

Pour lui comme pour cet homme, sa vie et sa liberté n'avaient aucune valeur. Ils pouvaient se permettre de lui prendre tout ce qu'elle a sans se soucier de sa dignité ou de ce qu'elle pourrait ressentir. Comment des êtres humains pouvaient-ils être si cruels ?

L'absence de l'homme commençait à se faire ressentir. Elle jeta un coup d'œil à la fenêtre et elle revit le paysage qu'elle observait avant de s'évanouir. Karleen se rappela sans le vouloir de la chambre aux teintes rouges et dorées qu'elle occupait.

Elle se souvint de toute ses semaines passées à se nourrir uniquement de légumes, de fruits et d'eau.
Son avant-bras la picotait au souvenir de toutes les injections de drogue. Elle s'est vu changer, maigrir, devenir faible.

Tout ceci dans le but de l'empêcher de lutter. Il lui était impossible de résister à Amir, à ses désirs... Elle devenait la femme qu'il voulait qu'elle soit.

Les souvenirs sournois de cette nuit lui revinrent en tête.

Elle se rappelait du soleil qui déclinait à l'horizon, de la lumière tamisée de la chambre et l'aura intime qui s'y propageait.

Elle était uniquement vêtue d'une nuisette qui cachait à peine sa nudité, debout, elle se tenait dos au lit, attendant qu'il fasse ce pourquoi elle était destinée.

En face d'elle, Il se tenait debout.

Son torse était nu et des poils gris pointaient dans la toison brune qui le recouvrait.
Il a posé sur elle un regard brûlant de promesses illicites.

Elle se souvint de comment il lui a souri, de comment il se rapprocha d'elle tel un prédateur, de comment la main qu'il a posée sur sa taille a provoqué des frissons de dégouts et une vague de nausées.

Tous ces souvenirs la hantaient car elle se souvenait de tous les moindres détails et cela la rendait folle.

Amir était un amant insatiable, brusque, pressé... et un peu sadique.
Son parfum de musc camouflé par l'odeur de la nicotine, son haleine aigre, alcoolisée et ses mains moites sont restées gravés dans la mémoire de Karleen.

Cette nuit était la pire car la première, mais il y en a eu d'autres et il y en aura. Cette pensée lui créa un pincement au cœur.

Voilà à quoi se résumait sa vie, elle que sa mère avait tant chéri, elle était devenue une catin, un joujou.

Des coups frappés à la porte la tirèrent de son supplice.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle vit la porte s'ouvrir sur une jeune fille dans un tailleur noir et au chignon sévère. Pourtant son visage incarnait la pureté. Son allure détonnait avec l'ambiance sadique du manoir.

La jolie bonne portait un plateau chargé de mets et de fruits qu'elle posa devant Karleen sans faire le moindre geste superflu.

-« Amir n'aimerait pas que je mange tout ça.. » murmura-t-elle alors que son corps criait famine.

-« C'est monsieur Hayden qui m'envoie ! » Répondit la fille.

Il s'appelle donc Hayden. La jeune fille lui sourit gentiment.

-« Vous ne mangez pas ? » Karleen eut un sourire gêné.

-« Tu peux m'appeler Karly, tutoyons-nous ! »

-« Oh, je suis Sybel. » Karleen lui sourit franchement et se servit un verre d'eau qu'elle but d'une traite puis elle mangea les fruits.

Quand elle eut finit, elle repoussa le plateau. Sybel fronça les sourcils, elle s'apprêtait à dire quelque chose mais la porte s'ouvrit brusque ment sur Sana. Celle-ci avait l'ai affolée.

-« Miss Shéhérazade ! C'est donc ici que vous étiez, Amir vous demande. Il veut vous sortir ce soir, il faut vous préparer ! » Sana s'approcha de Karleen et regarda horrifiée le plateau que Sybel lui avait apporté. « J'espère que vous n'y avez pas touché ! »

-« Non, soyez sans craintes. J'ai trop peur de prendre du gras. » Répliqua avec ironie Karly.

Sana hocha la tête et lui fit signe de la suivre, ce que fit Karly. Une fois dehors, l'odeur accueillante de la chambre de Hayden lui manqua. Elle regretta même la compagnie de Sybel.

-« Ne dites jamais au patron que vous êtes allée dans la chambre de monsieur Hayden. »