XLIII

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Voyant Amir sortir de la salle, Sybel ne put s’empêcher de vouloir se rendre dans son bureau pour découvrir ce qui se passait avec Karleen.
La voir accrochée aux bras de ce vil homme au lieu de ceux de Hayden avait attiré son attention. Alors discrètement elle se faufila dans les couloirs, en direction du bureau de Amir.

Par chance, elle ne croisa personne, ils étaient tous à la grande salle pour la réception. Mais la peur de se faire prendre la faisait redoubler de vigilance.

Jetant à chaque pas qu’elle faisait, des coups d’œil furtifs derrière elle, elle finit par arriver devant le bureau. La grande porte en bois massif s’imposait devant elle.

Sa tête lui conseillait de faire demi-tour et d’abandonner cette curiosité malsaine, mais elle ne pouvait s’empêcher de vouloir comprendre la situation de Karleen.

Elle poussa la porte et pénétra dans le bureau.

Il était plongé dans le noir, il semblait à Sybel qu’elle pénétrait dans l’antre du diable…

La lumière s’alluma dans un clic. Elle se dirigea vers le secrétaire qui trônait au centre de la pièce, caressa le bois poli du bout des doigts, puis elle ouvrit brusquement un tiroir après l’autre, fouillant dans les documents espérant ne serait-ce qu’apercevoir le nom de Karleen.

Elle finit de chercher dans les tiroirs sans succès.

-« Mince, j’ai dû louper quelque chose… »
Elle évitait de penser à aller chercher dans la bibliothèque qui reposait contre le mur à la gauche du secrétaire.

Alors qu’elle s’apprêtait à rouvrir le premier tiroir, la porte s’ouvrit. Le cœur de Sybel rata un battement. Elle se figea et plaqua sa paume contre ses lèvres en se recroquevillant sous le secrétaire.

Des pas de souliers et de talons retentirent dans la pièce. Il y avait donc deux personnes, se dit Sybel. Et Amir était obligatoirement l’une d’elles.

-« J’étais pourtant sûr d’avoir éteint les lumières. » Tonna la voix grave d’Amir.

Sybel se retint de pousser un cri de surprise. Elle craignait que la table ne bouge tant elle tremblait.

-« Vous vous en occuperez plus tard. Allons droit au but Amir. »

C’était une voix féminine cette fois. Son accent laissait penser qu’elle n’était pas accoutumée à la langue.

-« Oui, asseyez-vous Serena ! »

Des talons claquèrent contre le sol, mais les bruits de pas semblaient s’éloigner au grand soulagement de Sybel. Elle devina qu’elle c’était dirigée vers les divans à l’autre bout de la pièce.

-« Du cognac ? » Demanda Amir.

-« Niet… je veux avoir les idées claire. »

-« Très bien. »

-« Alors Parrain, où avez-vous eu l’idée de faire du trafic d’humains ? »

Sybel entendait distinctement ce qu’ils disaient se figea de stupeur et d’horreur. Elle savait que Amir ne faisait pas la légalité mais du trafic d’humain ?

Karleen serait-elle aussi… ? Elle chassa cette pensée de son esprit tant elle était saugrenue.

-« Je vous sais sensible à ce genre de cas, voulez-vous m’en dissuader ? »

-« Avec tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, vous blâmer serait de l’hypocrisie. Je veux justement voir si je suis totalement insensible désormais… Euh finalement je veux bien un verre de cognac. »

-« Tenez. Alors comme ça vous mûrissez ! J’en suis bien heureux ! »

-« Parlez vite avant que je ne change d’avis. »

-« Eh bien, je n’avais jamais eu l’envie de trainer sur ce marché mais un homme qui travaille pour moi, criblé de dettes, m’a proposé un marché. »

-« Lequel ? » Serena semblait s’impatienter.

-« Il m’a vendu sa fille… Adoptive ! La fille de sa chère épouse. Uniquement pour préserver leur avenir à lui, sa femme et leurs jumeaux. »

Serena ne répondit rien.

-« Je l’ai trouvé bien audacieux ! Et je comptais refuser. D’ailleurs c’est ce que je fis. »

-« Alors ? »

-« Il l’a vendu à d’autres gens. Je connaissais le nom de sa fille et ce à quoi elle ressemblait, alors je l’ai reconnue lors d’une vente aux enchères. »

-« Ce sale type l’a vraiment fait ! Cette enfant n’est même pas de lui ! »

Sous le secrétaire, le cœur de Sybel battait à tout rompre. Sans savoir pourquoi, elle avait compris de qui Amir parlait. Elle s’en doutait. Mais elle refusait que ce soit vrai.

-« Je l’ai alors achetée. Cette pauvre fille j’en ai fait ce que je voulais. Et j’avoue que c’était satisfaisant. »

-« Satisfaisant, hein ? Elle s’appelle ? »
Gronda la femme.

-« Je crois Karleen, ou un nom qui tend vers. Mais je l’ai rebaptisée Shéhérazade. »

Sybel sans s’en rendre compte, laissa sur ses joues rouler des larmes. Elle comprenait pourquoi Karleen ne mangeait pas à table, pourquoi elle sortait si peu, pourquoi elle n’était pas au bras de Hayden mais d’Amir.

La réalité était si horrible qu’elle en avait des frissons. Elle du se retenir de renifler.

-« Tu lui as volé sa vie et son identité ! » S’écria Serena virulente.

-« Oui. Je croyais que vous n’y étiez plus sensible Serena ? »

Serena se leva brusquement, renversant au passage son verre de cognac sur le sol, qui se brisa en mille morceaux. Ses talons se remirent à claquer sur le sol, ignorant totalement le verre brisé.

-« Je sors. »

Et elle claqua la porte derrière elle.

-« Ah, ces femmes, toujours aussi émotive. »

Sybel restait toujours silencieuse sous la table, espérant qu’Amir finisse par sortir du bureau. Et contre toute attente c’est ce qu’il fit. Dès lors que la porte claqua, Sybel se retint de se précipiter hors du secrétaire.

Elle patienta quelques secondes avant d’oser sortir la tête.
La pièce était vide. L’air parvenait enfin à ses poumons. Alors, discrètement elle se dirigea vers la porte. Elle souffla avant d’appuyer sur la poignée.

L’histoire de Karleen l’avait retournée. Elle ne savait pas comment elle devait s’y prendre pour l’aider. Mais pour l’heure, elle devait retourner à la fête, sans se faire remarquer.

Elle poussa la porte.
Mais elle se rembrunit aussitôt.

Un homme d’Amir se tenait devant la porte face à elle. Même sans se voir dans de la glace, Sybel savait qu’elle était devenue pâle.

Aucun mot ne sortait de sa bouche, elle se contentait de fixer l’homme le cœur tambourinant contre sa poitrine.

Elle avait crié victoire trop vite.

Les yeux clos [ TOME I ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant