XXXVII

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Karleen était en compagnie de Eden et Sybel dans la salle de séjour des servants.

Les entendre se chamailler et raconter des blagues donnaient à Karleen l’impression d’avoir une vie normale, avec de vrais amis avec qui elle se tape des fous rires.

Autrement dit, cela l’apaisait et lui faisait oublier ses soucis.

-« Ah mademoiselle Karleen j’ai vu monsieur Hayden hier soir. Je crois qu’il est enfin revenu ! »

-« Ah oui ? » Karleen peinait à masquer sa joie et son enthousiasme.
Sybel hocha la tête.

-« Vous allez aller le voir ? »

-« Je ne pense pas.. S’il veut me voir qu’il vienne me chercher. »

Karleen jouait au jeu. Sybel semblait croire qu’ils étaient un couple qu’Amir n’acceptait pas. Au fond, Karleen aurait aimé que ce soit ça le problème.

-« Je suis tout à fait d’accord avec vous mademoiselle ! Souvent il faut se faire désirer. »

Eden regarda Sybel avant de parler.

-« Ne me dis pas que c’est ce genre de conseils que tu appliques ? »
PDemanda-t-il à Sybel.

-« De quoi tu parles… Je soutien juste la demoiselle. Tu poses des questions vraiment étranges parfois. »

Karleen et Eden soupirèrent de désespoir. C’était sûr, Sybel s’est rendue compte des sentiments d’Eden mais elle faisait mine de ne rien savoir.
C’était la seule option envisageable, car c’était impossible d’être autant aveugle.

-« Sybel, tu n’aurais pas besoin de porter une paire de lunettes par hasard ? »
Lança Karleen en rigolant.

-« Non pas que je sache.. Pourquoi cette question ? »

Eden capta le regard de Sybel.

-« Il n’y a que toi pour être autant aveugle Sybel ! »

-« Eden de quoi tu parles ? »

Eden n’eut pas le temps de répondre que la porte s’ouvrit sur Jenis. Il regarda dans la pièce et quand son regard tomba sur Karleen, ses yeux s’illuminèrent.

-« Karly, tu peux venir un instant ? »

-« Bien-sûr ! » Elle se leva de son tabouret haut. « Désolée les amis, mais je vais devoir vous laisser. »

-« Passez une bonne fin de soirée mademoiselle Karleen ! » Répondit Sybel d’un ton enjoué.

-« Je t’ai dit de ne pas m’appeler mademoiselle ! Eden, je te la laisse. Au revoir ! »

Eden répondit par un signe de la main et Karleen sortit de la pièce à la suite de Jenis.

-« Alors, tu veux quelque chose Jenis ? »

-« Non, je voulais juste te parler. Et pour une fois hors de la salle d’auscultation. »

-« Tu vas me faire sortir ? » S’excita Karleen alors que la réponse semblait évidente.

-« Euh, non pas tout à fait même si j’aurais bien aimé. »

-« Dommage… Mais alors où ? »

-« Dans le jardin. J’ai entendu dire que tu te rendais beaucoup là-bas. Y a-t-il une raison particulière ? »

-« Je te l’ai déjà dit non ? Ça me permet de me recueillir. C’est là que j’ai rencontré Meryl. Et j’y vais à chaque fois que tout me dépasse. »

-« Je vois… As-tu remarqué les fleurs et les papillons dans ce jardin ? »

-« Il, il y’en a ? »
Jenis hocha la tête, un sourire entendu sur les lèvres.

-« Tu y vas uniquement pour te morfondre. Tu n’as que des pensées noires dans ce jardin, alors c’est tout à fait normal que tu n’aies pas été sensible à ce qui t’entourait à chaque fois que tu t’y trouvais. »

Karleen devait avouer qu’il avait raison. Elle n’avait jamais remarqué rien d’autre que les herbes, le sifflement du vent dans les branches, le soleil couchant… Jamais elle n’avait vu de papillons ou la moindre fleur.

Pourtant, quand Jenis poussa la porte en verre, la première des choses que le regarde de Karleen capta, était des papillons, jaunes et blancs, virevoltants.

Dans les herbes, elle pouvait désormais voir un parterre de fleurs violettes.

Tout était si différent de ce qu’elle avait l’habitude de voir lorsqu’elle venait se morfondre ici.

Le message était donc clair.

Jenis lui montrait qu’elle devait ouvrir les yeux, ne pas se laisser sombrer dans le désespoir, car cela l’empêcherait de voir toutes les belles choses qui pourraient s’offrir à elle.

Toute cette vie, et cette beauté poétique, c’était un beau cadeau pour ce pauvre Meryl.

L’endroit où elle l’avait mentalement enterré avait fleuri et grouillait de vie. Peut-être était-il plus en paix et plus heureux là où il se trouvait maintenant ?

Karleen l’espérait sincèrement, car elle ne se pardonnait toujours pas sa mort prématurée. Il avait voulu l’aider et lui aussi être libre…

-« Merci Jenis de me montrer tout ça ! » Dit Karleen la gorge nouée.

-« Mais de rien ! Après vous dame Shéhérazade… »

Karleen pouffa devant un Jenis qui exécutait une courbette trop gracieuse.

-« T’es idiot ! » Répondit-elle en posant sa main dans celle que Jenis lui tendait.

-« Eh, je suis galant et tu me traite d’idiot ! Je le savais, les femmes préfèrent les machos. »

-« Même pas… »

Ils se mirent tous les deux à rire tout en flânant dans le jardin.

Pour une fois, Karleen avait passé un après-midi charmant dans le jardin, à rire et à parler de tout et de n’importe quoi avec Jenis.
Bien que la dernière fois qu’ils s’étaient vu avait été assez exceptionnelle, il se comportait toujours comme un ami avec elle.

Même s’il lui arrivait de temps en temps de caresser sa joue ou de remettre des mèches rebelles derrières ses oreilles. Jenis était indéniablement un ange comparé à Hayden.

Mais ne dit-on pas que l’inaccessible était bien plus attirant ?

Karleen ne pouvait pas se douter que derrière sa grande baie vitrée, Hayden pouvait voir le jardin.

Elle oubliait aussi, qu’il était de retour. Alors elle s’adonna au flirt avec Jenis qui avait l’air de bien meilleure humeur que d’habitude.

Ensuite, elle retourna dans sa chambre, se doucha et enfin s’endormi dans son lit bien emmitouflée dans ses draps.

La nuit était plutôt fraiche. Et les rêves de Karleen étaient quant à eux, paisibles.

Les yeux clos [ TOME I ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant