Les yeux clos [ TOME I ]

XVI

Elle retrouva sa chambre, enfermée à double tour. Tout était comme elle avait laissé. Cette sensation de familiarité ne lui plaisait guère.

Son lit était dérangé et elle entendait le clapotis de l'eau dans la salle de bain. Tout était si silencieux, et elle, elle était encore en état de choc.

Son corps entier était recouvert du sang de Meryl, pour lui rappeler qu'il était mort par sa faute. Ses mains étaient ensanglantées, elle les fixait en tremblant. Il y a quelques heures ce garçon était encore vivant, riant aux éclats avec elle. Prêt à lui raconter son histoire.

Elle s'est laissée emportée par l'euphorie de sa pseudo liberté et avait baissé sa garde. Des deux c'était elle l'adulte... Elle aurait dû le protéger, c'était son devoir.

Le sang lui collait à la peau et l'odeur commençait à emplir sa chambre. Mais elle se disait qu'elle méritait d'avoir son sang sur elle, c'était elle quelque part, qui l'avait tué.

Elle se leva comme une automate et se dirigea vers la salle de bain. Retirant ses vêtements lentement, elle les laissa sur le sol et monta dans la baignoire.
L'eau était froide, mais elle ne changea pas.
Son corps frissonnait à chaque goutte qui glissait sur sa peau, mais elle resta immobile, laissant l'eau froide ruisseler sur sa peau et nettoyer le sang de celui qui l'avait aidée.

Lorsqu'elle reprit ses esprits, elle se mit à se frotter le corps avec hargne, se griffer la peau, comme si elle voulait l'enlever, enlever toute trace de sang. Nettoyer la culpabilité qui la rongeait.

C'était exactement comme son premier jour ici. Mais la suite, elle le sentait ne sera pas la même, cette fois elle n'avait plus Sana.

Cette folle l'avait trahie.
Karleen lui avait pourtant donné toute sa confiance, comment avait-elle pu oser ?

Elle resta dans la salle de bain pendant plusieurs heures avant de sortir.

Elle se coucha et s'endormi directement. Mais son sommeil était entrecoupé, elle se réveillait chaque demi-heure, les cauchemars jalonnaient ses rêves.

A chaque fois qu'elle fermait ses yeux, le sourire de Meryl apparaissait avant d'être baigné dans une mare de sang. Et la fumée d'une cigarette embrumait l'atmosphère.

J'aurais dû la fumer cette cigarette. Pensa Karleen entre deux cauchemars.

*************

Le lendemain elle se réveilla avec une migraine atroce. Elle attendit le moment où Sana passerait cette avec son plateau mais il n'en fut rien. Aucun plateau n'arriva.

Personne n'entra dans sa chambre, que ce soit pour lui donner à manger ou lui injecter sa drogue.
Dans la faim et l'angoisse Karleen restait recroquevillée sur son lit, le regard tourné vers la fenêtre.

La nuit dernière tournait en boucle dans sa tête. Elle n'avait jamais vu de meurtre. Le sang ne l'avait jamais éclaboussé. Elle n'arrêtait pas de se demander pourquoi elle avait décidé de la trahir. Ou était-ce prévu depuis le début ?

Impossible.
Elle n'aurait pas mis la vie de ce pauvre garçon en jeu de la sorte, se disait Karleen.
Selon elle, ça ne ressemblait pas à Sana. Elle était un peu rude mais elle n'avait pas si mauvais fond.

Le lendemain, personne ne vint encore la voir.

Le surlendemain non plus. La faim se faisait de plus en plus ressentir. Karleen tenait à peine sur ses jambes.

Mais au-delà de la faim, elle était malade.

Son corps n'arrêtait pas de trembler et ses lèvres se desséchaient et s'égratignaient.
Elle n'arrêtait pas de transpirer malgré les températures basses. Son cœur commençait à s'affoler, se calmait pendant quelques temps puis s'affolait à nouveau.

Le jour qui suivit, Karleen qui avait passé toute la nuit à trembler sans pouvoir fermer les yeux, fut surprise d'entendre la porte s'ouvrir.

Mais ce n'était Sana. Un homme, plutôt musclé se tenait devant la porte un plateau dans les mains. Sa carrure imposante contrastait avec le plateau qu'il tenait.

Mais Karleen n'y fit pas attention. Sans crier gare, elle se jeta sur l'homme et lui arracha le plateau.

Il n'y avait toujours que des plats de légumes, mais cette fois, elle ne se plaignit pas.
Lorsqu'elle finit de manger, elle constata que l'homme était parti et avait laissé place à Jenis.