Louvain guida Simoon dans une vallée latérale. Leur petit convoi quittait les rives de la Diyala qui menait vers l'Orient. Les trois cavaliers et leurs montures laissèrent la route commerciale dans leur dos. Ils affrontaient des montagnes que peu franchissaient, peuplées de sauvages, sans relais ni comptoirs.
Les guépards détalèrent dans les sous-bois, la truffe au vent, comblés d'être loin de la puanteur des cités et des hommes.
– Tu es bien sûr de toi, lui fit remarquer Gavra en amenant son cheval à la hauteur de Simoon.
– La Vallée qui mène au Printemps, récita Louvain satisfait de lui-même.
Gavra constata une fois de plus l'assurance de Louvain. Il avait l'air d'un gros chat devant un bol de lait. Le garçon hautain qui se tenait éloigné des autres enfants lors des rassemblements d'hiver était devenu un mélange de cette arrogance qu'il avait toujours eue, colorée d'un nouvel appétit pour la vie et de quelque chose de plus inquiétant, sombre, qu'elle avait découvert dans la clairière des Mangroves. Elle était concentrée sur la Hyène Bleue qui lui fonçait dessus, mais dans un coin de son cerveau, elle avait ressenti l'exaltation de Louvain alors qu'il éliminait ses ravisseurs. Il était porté par une férocité qui ne s'embarrassait pas de scrupules. Les yeux mi-clos, elle l'observa chevauchant Simoon. Les particules de lumière rouge cinabre pulsaient autour de sa personne, du cheval et des guépards. Une force vitale comme elle en avait peu rencontré. Ça lui rappelait la brutalité de Fer habité par un puissant mammouth prêt à charger. L'association lui déplut. Elle chercha les différences. Louvain se mouvait tel un félin, il était plus subtil que Fer, moins frontal, mais tout aussi létal. Elle n'aurait pas voulu se dresser sur son chemin.
Le soir, ils montèrent leur camp près d'un ruisseau. Les branches des saules se balançaient paresseusement au-dessus du courant. Des arbustes couverts de baies cramoisies abritaient une colonie de petits oiseaux qui s'y régalaient. Des piaillements précédaient des vols aux coups d'aile vifs, des changements de directions abruptes, des éclairs de plumes entre l'onde et les fougères.
Gavra avait retrouvé sa fonction de gardienne du feu. Elle dégagea de sa ceinture l'impressionnante corne de taureau qu'elle avait acquise dans la ruelle des bouchers d'Utub. Bourrée de braises des fonderies, emballée de cuir, elle s'avérait tout aussi pratique que la corne de mouflon que lui avait offert Rèze le jour où elle avait quitté sa tente.
Elle invoqua Shanga en faisant rouler les charbons luisants sur un empilement de brindilles.
– Ô Shanga, vénéré Shanga, protège tes enfants.
Elle souffla sur les flammèches, retrouvant les gestes des femmes de son clan.
– C'est ici que disparaissent les marchands d'Inive, déclara Louvain à Zak en ôtant sa tunique. Déshabille-toi !
– Mais enfin ! se rebella Zak.
Gavra émit un petit rire.
– Pourquoi tu glousses ? s'offusqua Zak.
– Ce profil d'oiseau de proie qui m'a impressionnée quand je t'ai rencontré, il cache souvent ta surprise.
– Il va falloir que tu me fasses confiance, lui intima Louvain.
Le vieil homme pesta, puis il imita Louvain, et le rejoignit dans le ruisseau.
Louvain lava la sueur de la journée. Il plongea la tête sous l'eau, s'ébouriffa. Il ôta son sceau-cylindre et l'enroula dans la tunique du Compagnon du jardin. Il déposa le tout au fond de la sacoche qui pendait sur les flancs du cheval avec le métal qu'il ramenait à Hadenne. Il s'enroba de la cape en poils de loutre du clan du Saule. Il la chérissait plus que tout autre vêtement ou bijou acquis à Inive. Il tendit à Zak la fourrure de loup choisie sur le marché d'Utub :
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Shangaïn 4. Les héritiers des dieux
Historical FictionDernier tome! Si vous n'avez pas lu les autres tomes, je conseille de les lire d'abord ! À l'équinoxe d'automne, les recherches pour trouver leurs disparus entraînent les Shangaïn dans les plaines entre le Tigre et l'Euphrate infestées de conflits a...