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Louvain découvrit qu'avoir de l'or était bien pratique. Il offrit, sans sourciller, un cheval à Gavra.

Le vendeur avait été dithyrambique : une monture trapue était bien mieux adaptée à la montagne que la race que montait le Compagnon du jardin.

Ça lui valut l'un de ces sourires qui, si on ne connaissait pas Gavra, pouvaient être interprétés comme une grimace. Le ventre de Louvain fit un double salto. Cette fille lui coupait les jambes...

Zak avait eu à cœur d'accompagner le jeune couple jusqu'à Utub. Il voulait s'extraire de sa maison, passer du temps avec Louvain avant qu'il ne parte pour l'hiver. Il avait tenté de lui dire que ce n'était pas nécessaire qu'il aille prospecter comme Firdaus.

– Prospecter ? Je rentre à Hadenne. Je ne vais pas prospecter.

Vêtue d'un pagne en cuir souple, plus confortable pour chevaucher que les tuniques de lin, Gavra ressemblait à un mélange de guerrière exotique et d'Inivienne. Une longue tresse dans le dos, les tempes rasées, elle portait autour du cou son immuable fronde, les ossements des ancêtres, la mèche de cheveux d'Iris et le cylindre d'albâtre offert par le roi. Elle poussa son cheval à suivre les coursiers et les guépards. Il partit au galop. Gavra se pencha sur son encolure, le vent sur le visage, une frénésie la traversa. Hadenne, j'arrive !

Un rempart en construction se dressait devant Utub. Zak constata que Firdaus ne lui avait pas menti : les prêtres bâtissaient des protections pour ses fonderies en le payant pour cela. Un coup de maître, dont il ne l'avait même pas félicité. Les aveux de Natara lui avaient fait voir son fils difficile sous un autre angle. Il s'était préoccupé de l'éducation de ses héritiers, aux affaires comme aux bains, pas de ce qu'il leur advenait dans le quartier des femmes. Natara avait toujours préféré Khaled, il ne s'était pas aperçu à quel point son aversion pour Firdaus était profonde.

Dans les rues d'Utub, il n'y avait plus de traces des attaques de l'été. Ils trouvèrent les fonderies en parfait état. Les bâtiments réparés, la forge tournait à plein régime. Le nouveau contremaître, dynamique à souhait, se montrait à la hauteur de la tâche. Firdaus avait mené l'opération d'une main de maître. Zak regretta de ne pas l'avoir convaincu de demeurer à Utub, de faire fructifier son comptoir le long de la Diyala. Parfois, il se demandait ce qu'il avait voulu dire par : je vais chez moi.

Des esclaves que Louvain avait côtoyés, il ne restait que l'ancienne, la vanneuse. Louvain s'assit auprès d'elle sur le pas de la hutte de roseau. Il prit de ses nouvelles. Elle se méfia des guépards qu'elle avait pourtant connus petits.

– J'étais trop vieille pour courir la campagne comme ceux qui se sont enfuis, lui confia-t-elle. Ici, je tresse mes paniers, je n'ai pas à m'inquiéter du lendemain. Les al Khali m'ont toujours bien traitée.

Louvain demanda au forgeron de lui préparer des lances de bronze, des sabres, des poignées entières de pointes de flèche, des longs couteaux et quatre têtes de hache.

– Tu veux armer tout un régiment ? s'offusqua Zak.

Louvain fut inflexible :

– Les Shangaïn t'ont ramené deux hottes d'étain. Contre combien de bronze estimes-tu que cela s'échange ?

– Firdaus était plus économe.

– Il était ton fils, répliqua Louvain en lui montrant les dents. Je suis le troqueur de la tribu. Les clans recevront la contrepartie de leurs fourrures.

Zak abdiqua. Il n'avait pas envie de se fâcher. Louvain s'en allait. Il serait bientôt seul. Avec un sourire triomphant, Gavra tendit sa lance au forgeron, elle lui demanda de remplacer le cuivre vermoulue d'Aqil par une pointe en bronze. Elle releva son menton en défiant le vieux radin de trouver à y redire.

Shangaïn 4. Les héritiers des dieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant