Chevaucher avec Louvain était encore meilleur que Gavra se l'était imaginé. Le galop de Simoon s'accordait aux battements de son cœur. Le désert se déroulait jusqu'à l'horizon, se plissait de dunes, blanchissait sous le soleil du Zénith, puis le soir venu, s'éclaboussa de rouge.
Après sa captivité, Louvain peinait à croire qu'une telle joie pouvait exister. Parfois, il se demandait s'il n'était pas encore drogué, bringuebalé sur l'âne en train de rêver que Gavra se fondait dans son dos, son haleine sur sa nuque, ses mains accrochées à sa poitrine.
Ils s'arrêtèrent au coucher du soleil. Zak choisit un creux derrière un escarpement rocheux, orné de quelques buissons rabougris.
– Si le vent se lève, il soufflera du nord, ici nous serons protégés.
Il dénicha deux branches sèches qu'il entrecroisa. Il fit prendre un feu à leur intersection, à la manière des nomades du désert. Il remplit sa théière de feuilles de menthe, les couvrit parcimonieusement d'eau, puis cala le récipient sur la petite flamme. Comme poursuivant un monologue intérieur, il rit tout seul.
– Dans les contes de mon peuple, c'est toujours le jeune homme qui sauve sa belle en péril. Il semblerait, fils, que tu aies renversé le cours du conte.
Gavra haussa les épaules :
– Une Shangaïn n'attend pas qu'un homme la sauve.
Elle caressa les flammes, puis se passa les mains sur le visage. Elle tendit la lame de son couteau au-dessus du feu.
– Ô, Mère Première reçoit celle que j'ai envoyée de l'autre côté du voile.
Sans trembler, elle se fendit l'arcade sourcilière.
Zak eut un frisson. Cette fille ne cessait de l'impressionner.
Gavra ignora la douleur. En prenant la vie, elle n'était plus la chasseresse qu'elle avait rêvé d'être, elle était devenue une guerrière. Elle écrasa de la suie entre ses doigts. C'était elle ou moi. Sans sourciller, Gavra en imprégna la coupure sanglante. Zak grimaça.
– Combien ? demanda Gavra à Louvain.
Il eut un temps d'hésitation. Il n'osait l'avouer : tuer ses ravisseurs avait été jouissif. Il compta sur ses phalanges :
– Le Pirate, Lie-de-Vin, l'homme dans les bois qui s'attaquait à Zak.
Gavra passa le couteau dans les flammes. Elle invoqua Shanga, puis entailla trois fois le sourcil de Louvain pour les trois vies qu'il avait prises.
Louvain ne broncha pas. Il murmura :
– Ô, Shanga, tu nous a protégés, merci.
Zak se détourna. Il disposa des dattes, des lambeaux de viande séchée, quelques pains plats sur un large pan de tissus déployé au sol. Les insectes chuintaient, l'activité du désert s'éveillait à la tombée de la nuit. Il aperçut les oreilles pointues qui s'approchaient de leur campement.
– Visite des fennecs, chuchota Zak. Les maraudeurs des dunes.
Mahên et Edên grondèrent, les petits renards disparurent.
– On s'en est sorti, murmura Louvain pour les guépards.
Il inspecta les blessures de Mahên. Ses babines étaient déchirées. Une coupure près de son oreille infligée par le Pirate saignait encore. Edên s'était mis à boiter en fin de journée. Louvain avait du mal à réaliser qu'ils avaient tous survécu à l'arène. Il déversa des mots tendres sur ses deux compagnons en les cajolant. Mahên plissa soudain son museau. Elle dressa la tête, puis aussi silencieuse qu'une ombre, elle disparut derrière les rochers. Edên la suivit en claudiquant.
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Shangaïn 4. Les héritiers des dieux
Fiksi SejarahDernier tome! Si vous n'avez pas lu les autres tomes, je conseille de les lire d'abord ! À l'équinoxe d'automne, les recherches pour trouver leurs disparus entraînent les Shangaïn dans les plaines entre le Tigre et l'Euphrate infestées de conflits a...