Pat et Narcissa retrouvèrent l'empilement de pierres plates qu'ils avaient érigé pour marquer leur route. Rouquine gambadait, ignorante du drame des humains.
– Que fait-on ? demanda Narcissa.
Pat donna un coup de pied dans le monticule artificiel. Les cailloux s'écroulèrent dans un fracas misérable.
– Le chemin ne passe pas ici. Il ne faudrait pas que Corb suive lui aussi une fausse piste au printemps.
Le brouillard qui avait flotté à la limite des arbres toute la journée, monta jusqu'à eux à l'arrivée du soir. Bientôt, il engloutit la montagne sous son ciel gris.
Pat râla :
– Il ne manquait plus que ça.
– On va camper ici, décida Narcissa. Inutile de nous égarer encore plus.
– Bon sang ! Où est-ce que je me suis trompé ?
Cette question l'obsédait. Il était perdu. Il ne reconnaissait plus rien. Les jours de marche s'écoulaient, impitoyables.
Ils avaient abouti au pied d'un sommet que Pat avait reconnu : durant l'hiver, face aux mêmes pics, il avait rebroussé chemin. Il traînait Corb dans son sillage, l'espoir de bifurquer vers le Couchant anéanti par la chaîne montagneuse. C'était à la lune montante. Depuis la lune n'avait cessé de décroître, plus aucun paysage n'avait éveillé le moindre souvenir.
À Jeera, quand il s'était remémoré son parcours depuis les sources du Zagr, il avait fait l'impasse sur les mauvais choix, les allées venues que la nature leur avait imposées, les demi-tours, l'errance. Ils vivaient au jour le jour, ils chassaient, sans avoir en point de mire une direction précise. Ils étaient arrivés chez les mineurs par hasard.
Rejoindre les Shangaïn ne pouvait pas s'improviser. Chaque décision devait les rapprocher d'Hadenne.
Narcissa délimita un foyer de quelques pierres, puis empila du bois sec sur la braise qu'elle transportait. Avant de souffler dessus, elle dit :
– Ça ne sert à rien de se morfondre.
– Peut-être qu'on ferait mieux de rentrer à Jeera, soupira Pat. Il serait sage de rebrousser chemin avant la neige. On se mettra en route au printemps, avec Corb.
Son frère lui manquait. Être perdu le déboussolait, être perdu sans Corb, lui pesait plus que tout. Narcissa lui faisait oublier ses doutes, la nuit, lorsqu'elle l'entraînait dans la danse des corps, mais le jour, l'angoisse le dévorait.
Narcissa ne répondit pas. Elle se concentra sur des tâches simples. Préparer un machaî, remplir leur gourde avant que l'obscurité ne soit complète, entretenir le feu.
À la nuit tombée, ils se blottirent entre leurs fourrures, les braises rougeoyantes dans l'humidité.
Le lendemain, une brume épaisse recouvrait leur campement. Immobiles, Narcissa et Pat attendirent que la vue soit dégagée, au risque de se perdre. Lorsqu'enfin le brouillard s'effilocha à l'apparition du soleil, ils se mirent en chemin. L'enthousiasme dans les talons, Pat scrutait les montagnes, animé de l'espoir de retrouver sa direction.
– Aussi, le paysage n'est pas le même, selon le sens de la marche.
Narcissa se retourna pour contempler là d'où ils venaient.
– En effet, de plus, sous la neige...
– Pourtant le principe est simple, on doit aller vers les vents chauds, bifurquer vers le soleil couchant d'hiver à chaque fois que l'on peut.
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Shangaïn 4. Les héritiers des dieux
Fiksi SejarahDernier tome! Si vous n'avez pas lu les autres tomes, je conseille de les lire d'abord ! À l'équinoxe d'automne, les recherches pour trouver leurs disparus entraînent les Shangaïn dans les plaines entre le Tigre et l'Euphrate infestées de conflits a...