Les étrangers avaient attisé la curiosité des Shangaïn. Tous convergeaient vers l'Œil de Shanga. On connaissait si peu ce qui se tramait loin de la vallée du Zagr. Le clan du Tigre voulait comprendre pourquoi Téha n'était pas revenue. Amma noua sa crinière blond cendré, Wilma-la-Tigresse emporta une cruche de machaî. Elle aperçut son fils sortir de la tente des khoutuka. Quel destin attendait Gadji dans ce monde en changement ?
Eda du Loup amenait une pile de nourriture. Qu'on n'aille pas raconter que les Shangaïn n'ont pas le sens de l'hospitalité !
Le clan du Corbeau scrutait la plaine À chaque ombre ou frémissement du vent, Yorba se retournait en espérant voir apparaître ses fils. Hardi avait embroché deux faisans en travers des flammes. Des marmots faisaient des aller-retour à la rivière pour remplir les calebasses. On servit des plats de lentilles que Ziba et ses filles avaient cuits dans l'après-midi.
Diyako s'accroupit près de l'Œil de Shanga entretenu par sa mère. Véra esquissa un geste. Sans le masque, elle retrouvait son fils. Marqué par les dernières saisons, desséché, anguleux, le front plissé de douleurs, de soucis, de mots retenus.
Diyako tripotait ses bracelets d'ivoire. Le contact lui apportait un réconfort, un lien avec le monde animal, des premiers éléphants jusqu'aux Shangaïn. La peur de perdre Nouz alourdissait son sang. Sa fièvre l'inquiétait. La bonne humeur des Shangaïn subjugués par le bronze provoquait une autre vague d'angoisse. Comment faire comprendre à la tribu des dangers qui les menaçaient ? Et Raji qui ne voulait pas qu'il partage ses visions. Inspire, lentement. Expire. Il se décida à communiquer ses soucis à Véra :
– La jambe de Nouz... La morsure du chien est guérie. Par contre, il a mal partout, maintenant il est pris de fièvre.
Véra sonda le degré de préoccupation dans les yeux de son fils.
– Passe sous ma tente, à la fin de la rencontre. Si c'était une bête enragée, Nouz est en danger.
Le clan du Scorpion, secoué par l'instabilité de Selma et Tibo, s'installa en silence. Radieuse de l'Ibis, soutenue par Cendre et Jaim rejoignit le rassemblement en dernier. La perte de ses enfants avait étouffé son allégresse légendaire.
Quand tous furent installés, Raji appela son dieu :
– Ô Shanga, les tribus du Zagr se trouvent réunies. Éclaire-nous de ta sagesse.
Coz jeta des fleurs séchées dans les flammes :
– Je parle pour les Creys. Que la déesse du Zagr clarifie mes pensées.
Akira s'approcha de l'Œil de Shanga, elle déposa dans le feu une poignée d'orge.
– Je parle pour les filles et les fils du Volcan.
Zaël répandit du lait de chèvre.
– Je rapporterais nos paroles aux anciens des tribus arayia.
Il s'assit sur ses talons près des flammes parmi les représentants des autres tribus. Ce qui se passait dans le delta du Zagr était si loin que ça ne lui paraissait pas relever d'une réelle importance pour les siens. Il était arrivé avec ses chèvres, il n'avait pas demandé à représenter les Arayia lors d'une rencontre mémorable des peuples de la vallée. Il recroquevillait ses gigantesques panards, dévorait les brochettes qu'on lui offrait en s'efforçant de garder un visage avenant.
Louvain s'adressa à tous, aux matriarches en particulier :
– J'ai pris sur moi d'inviter les fils du Volcan, car il n'est plus temps de nous chamailler entre nous. J'ai découvert une tribu accueillante, prête à échanger leurs biens.
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Shangaïn 4. Les héritiers des dieux
Historical FictionDernier tome! Si vous n'avez pas lu les autres tomes, je conseille de les lire d'abord ! À l'équinoxe d'automne, les recherches pour trouver leurs disparus entraînent les Shangaïn dans les plaines entre le Tigre et l'Euphrate infestées de conflits a...