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– L'or ne te sert à rien en tant que tel. Il te faut l'investir.

Louvain se tenait les tempes. Il dodelinait aux explications de Natara al Khali, plus désespéré que réjoui. Les pains d'or alignés dans l'office de Zak attisaient l'enthousiasme du couple de marchands.

– Je sais tout cela, dit Louvain. Mais...

Il ne trouvait pas les mots.

– Je ne possède rien. Je n'ai jamais eu besoin de posséder quoi que ce soit. Maintenant, j'ai tout ça !

Il désignait les pains brillants dans la lumière comme s'il s'agissait de scarabées dangereux.

Gavra s'était assise sur le rebord de la fenêtre. Elle n'écoutait que d'une oreille. Son esprit était déjà sur les chemins, en route vers Hadenne. Toute cette histoire d'investissement lui passait au-dessus de la tête. La notion même de rentabilité lui était étrangère.

– Tu pourrais acquérir des poteries ou des vases, proposa Zak. Ils sont recherchés dans les régions qui nous entourent. Inive produit l'une des meilleures céramiques du monde.

Les yeux de Louvain sortirent de leurs orbites :

– Changer mon or contre des assiettes ?

– Des vases, des cruches et oui, pourquoi pas, des assiettes.

– Mais enfin, ça ne sert pas à grand-chose, une assiette !

Il se reprit la tête à deux mains.

Khaled apparut à la porte d'entrée :

– Vous m'avez fait chercher, père ?

Ses ongles impeccables, la barbiche taillée en pointe, il adressa un sourire poli à Gavra et Louvain.

– Quelle denrée investir en ce moment ? lui demanda Zak à brûle-pourpoint.

Khaled découvrit le tas d'or devant Louvain. Il se lécha les lèvres, inconscient qu'il répétait les gestes de son père adoptif. Il jeta un œil à Gavra-la-pluie, en disant :

– Dû à la moisson miraculeuse de cette saison, engranger de la nourriture ne servirait pas à grand-chose. À moins d'estimer qu'une année aride va suivre, dans ce cas, des greniers pleins pour l'été prochain s'avéreraient judicieux. Mais c'est un pari, car si la récolte de printemps est bonne, la valeur du grain restera basse et il faudra bien se débarrasser de celui de cette année.

Gavra eut un soubresaut. C'est immonde. Cet homme espère une famine pour s'enrichir ! Ses entrepôts croulaient sous les dattes, le sel, l'orge, la laine et il en voulait encore plus ? Où s'arrêterait-il ? S'arrêterait-il jamais ?

Zak et Natara hochèrent la tête de concert, ils adhéraient à l'opinion de Khaled.

– Je choisirai d'exporter des poteries vers le pays Guad-Dar pour revenir avec des produits de luxe. Car une fois les ventres pleins, les citadins voudront de la myrrhe, du bois de buis pour de nouveaux instruments, des joyaux.

– Non, pas de céramique, gémit Louvain qui, comme un cauchemar, voyait tous ces pots être trimballés sur des ânes, pour finir brisés en mille morceaux, juste bons à être scrutés par des gens méticuleux afin de dater les périodes de l'Histoire.

Khaled exposa différents choix comme s'il récitait un inventaire :

– Les esclaves et le bitume sont une autre possibilité, il faut les acheminer vers le nord où les deux marchandises s'écoulent toujours bien. Les troquer contre des cèdres dont les troncs valent, ici, une fortune.

Shangaïn 4. Les héritiers des dieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant