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Louvain attendait cet instant. Il était en parfaite communion avec Edên et Mahên, nu, les mains vides.

– Ça impressionnera la foule !

Le Pirate velu ricanait. Il comptait lui donner Brise-Nuque au dernier moment. Lie-de-Vin gardait la porte de la palissade. La moustachue pointait une lance entre les omoplates de Louvain, l'empêchant de reculer.

Dans l'arène, deux chiens étaient au sol, mais la Kâgn en avait encore.

Frénétiquement, les derniers paris furent placés. Tous voulaient se refaire de leur perte. Miser sur la femme et sa meute, ou l'adolescent aux guépards ? La mort des combattants n'offrait jamais de seconde chance.

Pour Louvain, tout allait se jouer dans un délai si bref qu'il était presque inexistant. L'instant précis, lorsqu'il aurait reçu Brise-Nuque, les guépards libérés, et l'instant suivant où ils seraient tous trois jetés dans l'arène sans autre choix que de faire face à la guerrière aux molosses.

La Kâgn l'étudiait de loin. La foule criait. C'était comme un son déformé dans ses oreilles. Le temps se dilata. Il entendait ses propres réflexions au ralenti. Tout ce qu'il avait appris dans sa vie convergeait vers ce moment. Le savoir de Baan, sa dextérité avec Brise-Nuque, le lien avec les guépards, le contrôle de sa peur, la capacité de séparer ses perceptions. Une mauviette ne sortirait pas vivant de cette forêt ! Il se remémora sa haine pour Fer. Elle l'avait endurci. Il chassa le troqueur de ses pensées, il n'avait aucune intention d'éprouver de la gratitude pour lui. L'envie de tuer l'envahissait, menaçait d'obscurcir son jugement. Mahên feulait. Les jeux étaient faits. Un amas de bijoux et de biens extravagants s'empilait. Son moment était venu. Vivre ou mourir férocement.

La porte s'ouvre devant Louvain, la foule hurle de plus belle. La Kâgn retient ses chiens. Leur parle-t-elle, comme il communique avec Edên et Mahên ? La lame tranche ses liens dans son dos. Le Pirate lui fourre Brise-Nuque dans les mains, sa grosse poigne le pousse vers l'arène.

Était-ce, ce qui était arrivé à Tibo ? Avait-il trouvé sa fin dans cette forêt de mangroves ? Enfin, les cages des guépards s'ouvrent.

Terrorisée, Gavra court entre les arbres. La peur dédouble sa vision : elle voit la clairière, les parieurs, les combattants ; simultanément, elle perçoit les esprits de la Hyène Bleue et du Guépard Cinabre face à face. Elle hurle :

– Eh ! la Hyène ! Tu me cherches ?

Les yeux jaunes du charognard se détachent du Guépard pour se poser sur elle.

Louvain resserre ses doigts sur Brise-Nuque. Edên et Mahên font un crochet d'une vivacité que seul un guépard peut maîtriser. Ils sautent sur la femme dans son dos. Elle s'écroule en hurlant. D'un unique mouvement, Louvain se retourne et lance Brise-Nuque à la face du Pirate. L'homme n'a pas le temps de réagir. Les pierres s'enroulent autour de son cou, lui coupent le souffle. Son visage tourne au violet, ses doigts tentent de se glisser sous la corde. Louvain lui donne un puissant coup de tête. Le goût du sang remplit sa bouche, lui brûle les neurones. Son geôlier s'écroule.

Une hystérie s'empare de la foule. Elle est là pour le spectacle, elle en a. Mais elle a parié et l'avarice est furieuse. Quel est ce ver de terre qui ose attaquer les Pirates, les plus gros joueurs le long de l'Euphrate ? Comme un nid de guêpes, les hommes s'affolent. Des arcs sont bandés, le garçon est tenu en joue, on crie, on est sous le choc. Le Pirate est au sol.

Les chiens se mettent en mouvement, foncent sur Louvain.

– Eh, salope de Hyène ! Tu me cherches ? hurle Gavra à pleine voix en s'approchant de la palissade.

Shangaïn 4. Les héritiers des dieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant