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Corb regardait le ciel noir de la nuit la plus longue. Les fêtes d'hiver. Il pensait à Hadenne, à son clan réuni. Au sacrifice du cerf ou du sanglier, aux danses. Cette année, il aurait pris part au cercle des chasseurs, peut-être aurait-il rencontré Téha au bout de la ronde frénétique de la tribu. Il l'imagina, son poil rougeoyant dans la lumière des feux, jaillissant au sommet de ses longues jambes ! Il déglutit. Kary serait khoutuka. Ô, Taïna, il ne saurait même pas dans quel clan sa Désignation allait l'envoyer. Il se représenta Yorba, le dernier-né suspendu à son sein, Hardi et ses oncles tous réunis. Il y aurait Mani, Diyako et Gavra, ils auraient des histoires de traques, d'envoûteuses et de sorciers à partager. Louvain serait rentré avec Fer. Est-ce que Cheyd avait trouvé Tibo ? Pat raconterait leur hiver dans la grotte. Tous l'admireraient. Auraient-ils pitié de lui, Corb, l'estropié de Jeera ? Shanga, qu'il détestait susciter la pitié !

Il se secoua et chassa la nostalgie. La vallée était couverte de neige, mais le ciel dégagé dévoilait une voûte céleste splendide. Il remontait vers la maison de Zaros, d'un pas tranquille. Il claudiquait à peine. Il poussa la porte et pénétra dans la chaleur bienvenue de la forge. Les outils de Zaros étaient rangés, les moules vides alignés sur les étagères. Dans une sacoche cousue par Arezoo, sa part de cuivre l'attendait. Zaros l'avait fait fondre.

Corb s'assit devant l'âtre. Il jeta une poignée de branchettes et souffla sur les braises. Les flammes s'élevèrent immédiatement. Il se pencha sur le foyer et inspira profondément. Il passa ses mains dans le feu, puis sur son visage. Il resta ainsi, les prunelles vrillées dans l'incandescence rougeoyante. Il en oublia le temps. Les danses des hommes de son clan sautillant et bouffant leurs poitrails autour de l'Œil de Shanga remplissaient toute sa vision. Il aurait presque pu sentir le machaî et les fumées d'azullu. Soudain, les flammes s'ouvrirent, un Corbeau en émergea.

Corb vécut un étrange instant, un clignement de paupière, toutes ses aventures et mésaventures à Jeera se condensèrent. Elles fusionnèrent pour ne former qu'une seule expérience qui appartenait déjà au passé. Zaros et Arezoo, les mines, la forge, Nya et l'horreur de se savoir piégé. La lutte avec Pat, sa pénible convalescence, isolé parmi ces gens. Tout cela s'atténua pour laisser à nouveau la place à ce qu'il était avant son arrivée dans ce village. Le Corbeau le regardait, la tête penchée de côté. Le maître de son clan. Corb accéda à la source de qui il était en un simple battement de cœur. Chasseur shangaïn. Khoutuka. Initié par Baan.

Pour lui seul, d'une voix claire, Corb déclara :

– Je suis Corb, fils de Yorba, du clan du Corbeau. Je suis un chasseur shangaïn !

Il gonfla sa poitrine et redressa sa nuque. Il souffla sur sa mèche noire.

Il n'allait pas demeurer comme un poids mort dans ce village. Il était temps de se relever, de prendre son arc et ses flèches et de se mettre en route.

Il fallait qu'il embrasse son destin. Séparé de sa tribu, il n'en restait pas moins Corb. En cette nuit de Shanga, il accepta que son chemin ne le ramène pas à Hadenne, pas pour l'instant. Son khou l'envoyait plus loin vers l'inconnu.

Il avait le monde à découvrir. Il allait descendre au marché de Ouazzarî, puis continuer le long de la rivière. Peut-être jusqu'au pays des lapis-lazulis, là où les hommes ont la peau parfumée d'épice.

Demain, il attacherait ses cheveux avec son bandeau orné de la queue de Renard. Il ferait ses adieux à Arezoo et à Zaros. Il ne mettrait ses pieds dans aucun pas. Il tracerait sa route, droit devant lui, vers le Levant. Si le chien à l'œil au beurre noir le suivait, il lui choisirait un nom.

Il s'adossa à la paroi de la forge, et face aux flammes, il se caressa et se donna du plaisir. Le sang de sa tribu courait dans ses veines et le remplissait de force. Il imaginait les couples se former à Hadenne. Sa propre peau frémit sous ses doigts. Sa verge palpitait, se tendait vers l'inconnu.

Cette nuit, il n'était plus l'enfant choyé de ses oncles. Cette nuit, il se réinventait. Il s'approcha du feu. Il sentit la chaleur le transpercer. Sa solitude reculait au fur et à mesure qu'il acceptait son sort. Il apprenait à être en paix avec lui-même, à s'aimer, à s'embrasser tel qu'il était. Il se cabra et jouit. Sa semence crépita dans les flammes.

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Shangaïn 4. Les héritiers des dieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant