Chapitre 8

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KENAN.




Je jette mon téléphone sur la banquette arrière, je regarde Alex les sourcils froncés.

– Tu te fous de ma gueule ? Crachais-je.

Il porte sa main à sa nuque, il fait une mine désolée.

— Les gars n'ont rien vu venir, ils sont venus en traite, ils étaient une cinquantaine dans l'entrepôt. Mais on soupçonne un coup monté, y a plusieurs de mes hommes qui ont mené une petite enquête sur le nouveau. Il se pourrait que ce soit elle, la balance, qui a tout raconté aux gringos. Explique-t-il.

Je laisse tomber ma tête sur le siège, je ferme les yeux pour essayer de me calmer.

— Et aussi... commence-t-il la nouvelle, River. Elle n'a rien à voir avec nous ou avec d'autres gangs, on sait juste que son frère nous a acheté de la drogue.

Je me redresse. Un frère ? Interessant.

— Bien, retrouve-moi ce pendejo au plus vite. Et pas d'erreur cette fois, Alex. Dis-je durement.

J'attrape mon paquet de cigarettes, j'en prends une, la place au bout de mes lèvres. Je brandi mon briquet devant celle-ci, la flamme vient allumer ma cigarette. Je tire une longue taffe de satisfaction, la première, c'est toujours la meilleure. Je la sent me brûler la gorge.

— Ah et, on va renouveler notre contrat avec l'Angleterre. On ira leur rendre visite. Dis-je entre deux souffles.

Alex tourne vivement la tête et sourit, je ferme les yeux et balance ma tête en arrière.

— Kenan... Ta caisse sent les fajitas... entendis-je.

J'arque un sourcil, dans ma voiture ça sent la menthe ou une odeur de véhicule neuf, qu'est-ce qu'il vient dire.

– Tu te fous de ma gueule ?

Je le regarde une main poser sur mes genoux.

— C'est peut-être parce que j'ai faim, mais j'ai une putain d'odeur de fajitas, soit c'est ta voiture ou soit c'est moi.

— Ma voiture sent bon, elle sent la menthe, donc c'est toi le problème. Crachais-je.

— Au contraire, ça sent bien les fajitas, le rêve que ma voiture sente ça. Dit-il.

Il attrape son téléphone et pianote dessus, il me regarde et demande ;

- T'en veux?

- De quoi?

– Des fajitas.

Un long silence s'installe dans la voiture, je le regarde sans rien dire.

- Alors...? Tente-t-il de dire.

Je le dévisage, j'ouvre la boîte à gants sans le lâcher du regard, j'attrape mon arme et la pointe sur sa tête. En une seconde, il se retrouve la tête collée contre la vitre.

– Sort de cette voiture. Pestais-je.

— Ok, c'est bon, pas besoin d'en venir jusque là, hein Kenan... Dit-il en essayant de décaler l'arme sur sa tempe.

— Ouais, alors tais-toi et conduis-moi au club.

Je range l'arme dans la boîte à gants et croise les bras. Il exécute immédiatement ce que je lui ai demandé de faire. Je regarde ma cigarette par terre écrasée contre la moquette.

— Et quand on arrive, tu changes de voiture : y a de la cendre partout. Ajoutais-je en passant mes mains sur mes vêtements afin d'enlever les cendres.

Il hoche la tête et démarre de la voiture. Le paysage commence à défiler de plus en plus vite. Je regarde dans le rétroviseur et je remarque une voiture plutôt luxueuse nous suivant. Ou plutôt un putain de 4 X4 que les hommes d'Alex utilisent en service. Je tourne le regard sur Alex au volant qui semble l'avoir remarqué. Ce n'est pas normal.

– Prends à gauche. Dis-je soudainement.

Il exerce une manœuvre, on tourne dans un quartier éloigné de la plage.

— C'est pas normal, dit-il en murmurant assez fort pour qu'on l'entende.

J'observe le 4 x4 qui nous suit toujours, les vitres sont teintées, on ne voit rien, même pas le conducteur. Je rattrape mon arme dans la boîte à gants et la place sur ma cuisse, au cas où. Alex accélère et tourne plusieurs fois à gauche et à droite pour savoir s'ils nous suivent vraiment. Effectivement.

— Putain, regarde ça. Prononce-t-il.

Je jette un œil au rétroviseur, maintenant il y a trois voitures, toujours les mêmes. Je charge mon arme et celle d'Alex au passage.

Le pare-brise arrière explose, on vient de nous tirer dessus. Merde.

— Alex accélère ! Criais-je.

Je baisse ma fenêtre, je passe mon bras par dessus et commence à tirer en leur direction. Trois putains de voitures remplies d'hommes nous poursuivent, armés jusqu'aux dents. Je serre les dents, celui qui a manigancé tout ça va me le payer.

– Regarde sur les sièges arrières, il doit y avoir une arme plus efficace.

Je me précipite sur l'arrière de la voiture, j'attrape l'arme sous une couverture. Une mitraillette. Parfait.

Je me penche près de la fenêtre, faisant sortir la moitié de mon corps et commence à tirer sur les trois voitures. J'ai l'habitude de faire ça, trop même.

— Kenan, faut qu'on abandonne ! Ils sont trop nombreux ! Dit-il en donnant des coups de volant pour éviter les balles.

Je me rassois sur mon siège la tête baissée.

— Sème-les, et après, conduis-moi au bar. Dis-je.

Quelqu'un nous a trahis, plus précisément les hommes d'Alex, j'ai l'impression. Si c'est un coup de mes frères je l'ai tuerais. Tous. Un par un. J'accepterais plus jamais de me laisser faire.

– D'accord.

Il accélère un bon coup et tourne à plusieurs reprises, je regarde derrière, plus aucun 4 X4.

On arrive vite près du bar, on gare la voiture un peu plus loin.

— Putain de merde, Kenan, regarde ton bras ! Déclare-t-il soudainement en pointant du doigt mon bras gauche.

Je fronce les sourcils et je pose mon regard sur celui-ci. Un trou. Non loin de mon épaule. Je me suis fait tirer dessus... Et j'ai rien senti ?

Bizarrement, après l'avoir vue, je commence à avoir mal. Comment j'ai fait pour ne pas remarquer le sang qui coulait ? Faudrais peut-être que j'arrête avec la drogue, je ne ressens même plus la douleur. En fait c'est ce que je voulais au départ. Ne plus rien ressentir. Par ce que la seule chose qui animait mon corps, c'était la colère.

— Ah ouais... dis-je simplement.

Je ne suis pas comme d'habitude, et Alex la remarque. Ce putain de venin qu'on appelle drogue me bouffe les neurones, plus les jours passent, moins j'arrive à me repérer dans ma vie.

Je passe une main dans mes cheveux pour les rabattre en arrière et souffle en regardant les portes du bar. Alex s'empresse d'ouvrir, on entre, les employés tournent tous leur tête sur nous, un grand silence règne, on entend seulement le bruit de nos pas claquant contre le sol fraîchement lavé. J'essaie de ne pas faire paraître la douleur sur mon visage, je serre les poings en retenant une grimace.

On traverse le long couloir, pour atteindre mon bureau, il faut que je me soigne. Sinon, ça risque de s'infecter. Alex ouvre la porte précipitamment, à ma grande surprise, River est dans mon bureau. Elle est en train de passer le balai, en entendant la porte s'ouvrir, elle lève le regard du sol. Moi, je suis silencieux, la balle dans mon bras me fait trop souffrir pour lui crier d'aller chercher une trousse de secours, alors je jette un regard à Alex qui comprend et dit ;

— River, il faut que t'aille chercher la trousse de secours près du bar, s'il te plaît. C'est urgent !

En l'espèce, en 5 minutes, elle revient avec une trousse de secours et des bandages plein les bras. Elle s'approche de moi, le regard désolé, comme si c'était elle qui m'avait fait ça. Je fronce les sourcils, je ne veux pas qu'elle me regarde de cette manière. J'en veux pas de sa pitié.

– River, tu sais soigner ce genre de blessure ? Moi, je risque d'aggraver la situation. Dit Alex en se grattant l'arrière de la tête.

— Je soignais souvent mon frère quand il se bagarrait, mais je n'ai jamais retiré de balle ou quoi que ce soit. Affirme-t-elle en regardant mon bras.

Ça commence à m'énerver.

— On s'en fou, la balle, je vais la retirer moi-même, s'il le faut alors. Dis-je durement.

– Kenan Joue pas à ça. Tu pourrais perdre ton bras ou mourir si ça va trop loin !

Dans son regard se lisait de l'inquiétude, comme s'il ne m'avait jamais vue me prendre une balle. J'ai déjà eu pire. Je lui lance un sale regard.

— OK, je vais essayer alors... entendis-je.

River vient s'installer plus près de moi, ses gestes sont doux, même dans cette situation où j'ai un trou dans le bras. Elle prend du désinfectant, avec des cotons, des bandages et toute sorte de choses pour soigner une blessure.

— Ça va piquer, désolée... dit-elle.

Pourquoi elle s'excuse ? C'est une manie chez elle. Toujours le regard désolé, les yeux brillants, la tête baissée, on a l'impression qu'elle se soumet au monde et qu'elle est inférieure à tout être sur Terre. Le peu de fois où je l'ai croisée, elle a toujours eu l'air subordonné.



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