RIVER.
Je ne peux pas mourir maintenant, je suis en danger, j'ai eu la preuve hier. Je l'ai suivi jusqu'ici par raison de sécurité, mais plus les minutes passent et plus j'ai l'impression d'être moins en sécurité ici. Cette chambre, elle est simple, mais elle dégage quelque chose de dérangeant. Bien que j'ai une nette impression d'être entre de mauvaises mains, je ressens quand même une certaine frustration concernant Kenan. Les premiers jours où je suis arrivée à El Burdel, il s'est montré froid, ça m'a terrorisée de venir travailler depuis notre première rencontre. Je pensais qu'il allait me faire quelque chose de mal, mais en fin de compte, il m'a sauvé d'une certaine manière.
Je me lève du lit, depuis hier après-midi, je suis restée assise là-dessus après avoir pris une douche. C'était un peu embarrassant de porter des vêtements masculins. À première vue, ce sont des vêtements de petite taille, mais à l'odeur, on a la nette impression qu'ils ont été lavés récemment.
Je scrute la chambre une dernière fois avant de sortir en claquant légèrement la porte. Plusieurs questions me viennent en tête. Je me suis engagé à travailler officiellement pour lui, mais quel est mon rôle ? Je suis censée faire quoi exactement ? Un gargouille sortant de mon ventre me sort de mes pensées, c'est vrai... Depuis hier, je n'ai rien avalé... Je porte ma main à mon ventre, le tenant pour combler le vide. L'absence de nourriture se fait ressentir, j'ai de légers vertiges et tout mon corps tremble. Je descends les marches d'escalier en réajustant mes cheveux, je n'ai aucune envie qu'il me voit dans cet état, et je dois avoir des cernes énormes : je n'ai presque pas dormi.
Comment vais-je demander pour pouvoir manger ? La seule chose que je me suis permise de demander, c'est de prendre une douche à Alex. Il n'est pas du tout terrifiant, en revanche, depuis hier, il n'a cessé d'essayer de me draguer... Ça m'a mise très mal à l'aise, surtout dans le genre de situation où nous sommes.
J'arrive enfin près de la cuisine qui, d'ailleurs, est magnifique, et à ma grande surprise, un plat de pâtes est posé dessus. Elles sont très appétissantes... Ça me donne l'eau à la bouche. Je m'approche et l'odeur fait gargouiller mon ventre encore plus. Je porte mon doigt à ma bouche, il n'y a personne... Je peux demander l'autorisation à personne...
Je me mets à marcher un peu, essayant de trouver Alex ou Kenan. Je scrute les longs couloirs, cette villa est très différente du club. Elle est plutôt sombre, mais très jolie, comparée au club qui fait froid dans le dos. Mais le bureau est somptueux, avec des décorations un peu gothiques. Sur les murs de la villa, aucuns tableaux lugubres, aucuns néons rouges allumés sur chaque porte, aucun bruit, tout est calme et reposant ici.
J'arrive près du salon principal et il est là. Il est assis avec un journal entre les mains, je contourne le canapé en velours blanc et me place devant lui. Aucun doute, je ne sais pas si j'arriverais à placer plus de deux mots sans bégayer. En sentant ma présence, il lève le regard de son journal pour le planter dans le mien, ce qui me fait une barre dans le ventre. Pourquoi à chaque fois ça me fait ça, j'ai toujours l'impression qu'il va dire quelque chose d'inquiétant. Je ravale ma salive sans dire un mot, s'il me regardait comme ça, je ne pourrais pas parler. La solution, c'est d'éviter son regard, alors je tourne la tête sur le côté.
- Est-ce que... Est-ce que le plat de pâtes appartient à quelqu'un ? Osais-je demander malgré ma voix tremblante.
Je garde ma tête tournée sur la droite, et j'entends un bruit de papier se froisser. Un courant d'air envahit mon espace vital et une ombre vient me barrer la brillance de la lumière.
- Non, mais... commence-t-il.
Mon pou s'accélère à l'entente de sa voix, ma respiration s'arrête lorsqu'il pose sa main sur mon épaule.
- Quand tu me parles, tâche de me regarder, je prends ça comme du manque de respect. Finis-t-il.
Mon cœur se serre, j'ai fait quelque chose de mal, je ne peux pas faire des choses pareilles alors que je viens à peine de commencer à travailler pour lui. Je tourne vivement ma tête face à la sienne, ces coups dans mon ventre recommencent lorsque que mes yeux rencontrent les siens. Je ne sais pas si c'est la faim, mais plus les secondes passent et plus je vois flou. Le stress La faim La Peur ? J'en sais rien, c'est étrange comme sentiment. J'ai l'impression de mourir à chaque instant, et qu'il en est la cause. Les battements de mon cœur résonnent dans mes oreilles, je n'ai jamais été aussi effrayé de toute ma vie.
- Je suis désolé. Réussis-je à dire.
Je suis mal à l'aise, sa main sur mon épaule est comme un poids qui pourrait me faire tomber à terre.
- Je ne ferais plus cette erreur. Ajoutais-je.
Un rictus dans le coin de ses lèvres apparaît, il commence à tapoter le dessus de mon épaule.
- Parfait, j'espère que ça n'arrivera plus. Dit-il lentement.
L'idée de baisser la tête me prend, mais je ne peux pas le faire. Je n'ai pas envie de le regretter. J'ai surtout besoin de lui poser une question, mais je ne sais pas si je vais oser la dire.
- Tu peux les manger, ça appartenait à Alex, mais il est parti. Ajoute-t-il.
Je hoche simplement la tête, il se rassoit et reprend son journal en main. Je le regarde faire ses gestes, à ce moment précis, je peux le regarder comme il le fait avec moi. De haut, avec mépris et pitié. Mais je n'arriverais jamais à trouver un tel dégoût pour un être humain. Comment peut-il traiter les gens de la sorte ? Comme il le fait avec Alex et toutes les autres personnes à qui il a parlé pendant que j'étais là. Il éprouve toujours de la répugne lorsqu'il ouvre la bouche. Je pense que ça fait partie de mes peurs. Je ne veux pas qu'il me regarde ainsi. De simples petits mots avec une telle expression peuvent faire transmettre tellement de crainte, c'est ce qui est effrayant avec lui. Il pourra dire n'importe quoi, ça ressortira toujours autant épouvantable.
Je n'ai jamais été aussi humilié de toute ma vie.
Et pourtant, mon instinct me dit que ce n'est que le début...
Je recule de quelques pas et refait le chemin que j'avais fait pour arriver au salon. Je passe les longs couloirs avec la tête baissée. Bizarrement, maintenant, je ressens bien le froid de la climatisation entourant mon corps et le carrelage gelé sous mes pieds. Il faut que je prenne note, il faut absolument que mes erreurs soient corrigées au plus vite. Avec toutes les rumeurs que j'ai entendues concernant le cartel, si je commets trop d'erreurs, je risquerais de me faire tuer, et au final, ça reviendrait au même, mais si je me tiens correctement et que j'exécute chacune de ses demandes, je pourrais m'en sortir. Dans tous les cas, c'est ma seule porte de sortie, alors ce que je vais faire pour l'instant, c'est ça. J'ai bien l'impression qu'il est le seul à pouvoir me faire manquer une mort cruelle. Si je travaillais officiellement pour lui, je ferais partie de ses employés. Plus qu'à prier pour qu'il tienne à la vie des gens qui travaillent pour lui de cette manière.
J'arrive dans la cuisine, à première vue, le bol de pâtes a disparu, ce qui m'arrache un souffle de dégoût. J'avais vraiment envie de manger ces pâtes. Je m'avance près de la baie vitrée, deux transats décorant la vue de la piscine. Et sur l'un est assis Alex avec... le bol de pâte. Je laisse retomber mes bras le long du corps, ce qui me vaut un regard d'Alex la bouche pleine. Il arque un sourcil.
- Quoi ? Demande-t-il en avalant une bouchée de pâte.
Je soupire.
- Rien... répondais-je en m'avançant pour m'assoir sur l'un des transats.
Je me laisse tomber dessus sous le regard d'Alex.
- Tu sais faire des fajitas ? Me questionne-t-il soudainement.
Je fronce les sourcils et réponds :
- Ouais, pourquoi ?
Il se lève et vient s'asseoir à côté de moi, un peu trop proche à mon goût.
- Ça te dis d'en faire pour ce soir ? Ça fait longtemps que je n'en ai pas mangé.
Il sort son téléphone et va dans la galerie photo pour me montrer une cuisine en feu.
- Je ne peux jamais en faire, car à chaque fois que je cuisine, ça finit comme ça...
Je ne peux me retenir de rigoler. Il a vraiment brûlé une cuisine pour ça ? Mon rire est tellement moqueur qu'il lève les yeux au ciel et il crache :
- Oh ça va, je suis un homme, ce n'est pas mon rôle de faire ça !
- Tu sais, si tu continues à dire ça, tu ne trouverai jamais quelqu'un pour t'aimer.
Dommage, il a le mérite d'être beau, mais pas la mentalité. En pensant ces mots, il revient dans ma tête. Il a beau être effrayant et me donner toute sorte de sensations effroyables... il reste toujours aussi beau.
- Pff, n'importe quoi, n'importe quelle femme voudrait être avec moi.
Je pouffe en mettant ma main sur ma bouche, attend, il est vraiment sérieux ?
- Tu serais pas un peu...narcissique ? Osais-je dire.
Il place une main sur sa hanche avant de dire d'un ton enjoué :
- Évidemment, tu m'as vu ? Je suis l'exact exemple de l'homme parfait !
Et là, c'est la phrase de trop, j'éclate de rire. Il fronce les sourcils et s'avance près de moi.
- Tu ressembles vraiment à une gringa, alors arrête de te moquer de moi. T'as bien de la chance de ne pas avoir fini au fond d'un tonneau coupé en petits morceaux.
Cette phrase fait redescendre ma bonne humeur. Pourquoi faut-il toujours que quelque chose casse les bonnes ambiances tout le temps ?
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TRUST
RomanceDans un bar du Mexique, une jeune femme travaille pour un puissant narcos qui règne en maître sur le pays. Contre son gré, elle se retrouve plongée dans le monde sombre et violent du trafic de drogue. Alors qu'elle tente de garder sa tête hors de l...