Chapitre 5

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Danger. Cet unique mot résonnait en moi jusqu'au plus profond de mon être. Les grands Faés étaient connus pour être des êtres cruels, dénués d'émotions, ne pensant qu'aux moyens d'affirmer davantage leur autorité. Je détalai sans demander mon reste en direction de la maison la plus proche. Mais alors que je bondissais par-dessus la clôture du jardin, une énorme gerbe d'eau sortit du puits, tel un serpent furieux. J'avais affaire à un Ondin, un Faé lié à cet élément et donc capable de le manipuler. Ce peuple vivait pourtant dans le royaume d'Ewaden, à l'Ouest de Derams, tandis que Vourl occupait l'Est du territoire. Que faisait-il si loin de chez lui ? Sa présence avait-elle un rapport avec la mort de leur seigneur ?

D'un saut adroit, j'évitai la première attaque, mais la seconde me déséquilibra et je pris la troisième en pleine face. Tout en agitant mes bras pour me débattre contre un ennemi insaisissable, je crus me noyer. Mais le serpent d'eau retomba au sol. J'étais trempée. Le Faé était là, debout, à seulement quelques pas de moi. Il me dévisageait avec un petit sourire qui n'avait rien de mesquin. Au contraire, il semblait même ému. Je reculai prudemment, toujours à terre.

– Je ne te veux aucun mal, Armila, lâcha-t-il enfin d'une voix douce.

– J'ai pourtant manqué de finir noyée ! m'écriai-je, terrifiée à l'idée qu'il connaisse mon nom.

– Je devais t'empêcher d'alerter ces humains. Nous devons nous montrer discrets. Je ne suis pas le seul à souhaiter te mettre la main dessus. C'est une chance que je sois le premier à y être parvenu.

Pas le premier, songeai-je en repensant à mon bel inconnu. Ses paroles me revinrent en tête : il m'avait prévenue que j'étais recherchée. Parlait-il de cet Ondin ? À bien y réfléchir, il ne m'avait pas précisé si cette personne me voulait du bien ou du mal. Lui, en tout cas, n'avait pas caché ses mauvaises intentions, même si ce baiser me laissait imaginer le contraire. Qu'importe, face à un immortel, aussi souriant pouvait-il être, je me sentais menacée. Je continuai donc à reculer jusqu'à heurter une statue hideuse.

– Je sais qui tu es, Armila. Je suis là pour t'aider.

– Permettez-moi d'en douter. Et pourquoi donc un grand Faé d'un royaume éloigné s'intéresserait à moi ? Partez !

Il soupira et leva les mains en signe d'apaisement.

– Tu as le visage gracieux de ta mère, et je suis certain que la ressemblance sera plus visible une fois que ta véritable nature sera révélée.

– Ma nature... ma mère...

– Je ne parle pas de cette fermière à qui ton père t'a confiée. Je veux dire ta vraie mère, celle qui t'a enfantée.

– Mon père ? Qui sont-ils ? Qui suis-je ? Quel est mon rapport avec les Faés ?

En moi, c'était la panique et je peinais de plus en plus à me maîtriser, comme en témoignait ma voix tremblante. L'Ondin se jouait-il de moi ? Essayait-il de m'attirer dans ses filets en me faisant miroiter la vérité sur mes origines ? Je devais rester sur mes gardes. J'étais certes particulièrement habile et endurante, mais hormis ce détail, j'étais tout à fait humaine, et pas la plus futée de tous.

– Armila, t'est-il arrivé de communiquer avec des nymphes ou des spectres ? me demanda-t-il le plus sérieusement du monde.

– De quoi parlez-vous ? rétorqué-je, sur la défensive.

– Les esprits élémentaires. Les nymphes sont les esprits de l'eau, et les spectres, les esprits de l'air. As-tu déjà remarqué des phénomènes étranges en lien avec ces deux éléments ?

Il sut à ma tête abasourdie qu'il avait fait mouche. Évidemment, il y avait ces murmures porteurs de présages, et ces êtres invisibles qui m'avaient sauvée de la noyade. Un doute s'insinua dans ma tête. Méfiante, je me relevai lentement, toujours dégoulinante, et me plaçai derrière la statue pour observer mon interlocuteur tout en maintenant une distance entre nous. Il m'adressa un sourire chaleureux.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant