Chapitre 5 - livre 2

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Faucon n'aimait pas Huko. Dès qu'il eut repris du poil de la bête, il ne cessa de grogner sur le « jeune » Korrigan, ce qui était plutôt embarrassant pour lui comme pour moi. Pourtant, il me tint compagnie un bon moment, me regardant avec incrédulité panser Jawal dans ma belle toilette de dame de pouvoir. Il me raconta la vie à la cour de Maleda, les entraînements et les nombreux apprentissages à suivre pour devenir soldat de la garde rapprochée. Tout en conversant, il sortit de sa poche un autre cube de cette étrange pâte et la glissa dans sa bouche après avoir jeté l'ancienne. Ma curiosité me poussait à le questionner, mais le temps de me décider, il avait déjà enchaîné en parlant avec admiration de Tim, le fils du seigneur, avouant que c'était bien grâce à ce dernier qu'il avait pu obtenir si jeune un poste de cette importance.

– J'ai entendu dire que les Korrigans avaient mauvais caractère, fis-je en l'accompagnant vers la fontaine de la cour des dotés. Mais Tim a l'air d'être une personne généreuse et à l'écoute.

Huko se remit à rire.

– Mauvais caractère ? Dame Armila, vous êtes unique.

Je voulais bien croire que mes manières lui paraissent en total décalage avec mon statut. De plus, les Sylphes étaient plutôt d'une politesse froide et peu réceptifs à la plaisanterie. Aucun d'eux n'avait jamais dû faire ouvertement référence aux humeurs désagréables de leurs cousins de la Terre. Mon comportement déplacé était ce qui rendait mon intégration à Fytalie si difficile. Je soufflai, dépitée.

– Il est vrai que mon peuple a des facilités pour exprimer son mécontentement, commença Huko.

– Loin de moi l'idée de vous vexer. C'est juste que... j'ai entendu dire que vous n'étiez jamais satisfaits de rien, que vous aviez tendance à... euh... eh bien oui, "exprimer votre mécontentement".

– Nous sommes chicaneurs. Oui, bien que familier, ce terme est proche de la vérité.

Belliqueux vous convient davantage ?

– En presque quatre mille ans d'histoire, les Korrigans n'ont jamais provoqué une seule guerre ! protesta le Faé. En revanche, nous avons la menace facile et nous sommes durs en affaire. Et quand quelque chose nous dérange, nous y mettons fin dans les plus brefs délais, quitte à être parfois un peu radicaux.

– Comme lorsque vos ancêtres ont scindé le sol en deux pour isoler le peuple Démon à Vourl ?

– Créant la faille de la colère, il y a plus d'un millénaire. Oui. Les Korrigans ont beaucoup perdu suite à cet exploit. Les puissants ont uni leur force pour agir sur la Terre, mais une telle prouesse a vidé la plupart d'entre eux de toute leur énergie. Les plus chanceux se sont retrouvés avec des pouvoirs amoindris. Mais certains sont morts quelques jours après la création de la faille. Ce fut le cas de notre seigneur, le père de Donovan, et de bien d'autres.

– Je l'ignorais.

– Autant vous dire que nous ne sommes pas près de recommencer. À vous, Armila, que pouvez-vous me dire de vous ? Comment se fait-il que vous n'ayez pas été élevée à Fytalie ? Au milieu de cette absence de naissances faées, vous êtes la mystérieuse exception.

Je n'avais jamais aimé parler de moi, et tous ces secrets que je devais garder ne faisaient qu'accroître mon malaise. Il était hors de question d'avouer que Delila de Fytalie et Loran d'Ewaden, tous deux élus de peuples différents, avaient été liés par le Romyx, et qu'ils avaient fui pour cacher le fruit de leur amour : moi. Afin que je sois acceptée comme membre de la famille seigneuriale, Alan avait ordonné de me faire passer pour une sang-pur. Officiellement, mon géniteur était Sylphe. De la même manière, personne ne devait savoir que j'avais été élevée par des humains, prisonnière d'un sort inhibiteur posé par la fille sorcière du seigneur Remokus. À partir de là, Alan avait brodé un beau mensonge que nous étions tous tenus de répéter. Je ne dévoilerai rien de bien intime à cet homme.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant