Chapitre 34

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Je ne m'étais pas attendue à une telle demande de la part d'Azrel. Il était prêt à me laisser lui faire du mal pour que je m'échappe. Décidément, je découvrais une nouvelle facette de sa personnalité depuis mon enlèvement, une facette faite d'incertitudes et de peurs. Toute la dualité de son personnage m'apparut alors, claire comme le jour : Azrel était coincé entre un serment mortel et ses sentiments, dont je ne doutais plus.

– Essaie de ne pas me tuer, reprit-il d'une voix presque enfantine. Sans quoi tu ne pourras plus te débarrasser de ce sort.

– Azrel... Pour être honnête, je t'avoue avoir pensé à fuir... mais combien de temps pourrais-je encore tenir ? Ma prochaine crise sera la dernière, je le sens. Je vais mourir si je ne me libère pas rapidement de ce sort.

Mon compagnon ouvrit de grands yeux effrayés. Il paraissait tellement jeune ainsi !

– Non... non c'est impossible. Tu ne peux pas me laisser, Romiya. Pas maintenant que je t'ai trouvée, tu n'as pas le droit d'éteindre la lumière que tu as allumée.

Son ton presque suppliant toucha mon âme et les larmes me montèrent à nouveau aux yeux. Azrel soupira longuement avant de reprendre d'une voix remplie de colère :

– Et merde ! Tu as atteint la majorité magique, j'imagine que cela rend le sort de ma sœur plus terrible pour ton organisme. Armila... je suis tellement désolé.

– Je sais, Azrel. Je t'aime et je te crois. Écoute... Ton père ne quittera jamais les Vourlines, ai-je vraiment un autre choix que de te suivre ?

– Si je parviens à remplir une fiole de son sang et à te retrouver rapidement, peut-être que...

– Peut-être que tu n'y arriveras pas, peut-être que je serais morte avant ton retour, peut-être que ça ne suffira pas.

– Mon père est fou, Romiya. Tu ne sais pas à quel point.

– Tu m'as bien dit que ton peuple cherchait des femmes Faées pour... euh... la reproduction. Je suis Ondine et Sylphe, et pour une raison que j'ignore, je suis réellement un mélange de ces familles puisque je suis sensible à l'Eau comme à l'Air. Je suis trop précieuse pour être tuée ou emprisonnée. Faisons selon ton plan initial : nous n'aurons qu'à prétendre vouloir faire des enfants. Dès que l'occasion se présentera, nous quitterons les montagnes.

– Ça ne sera pas si simple, je le crains. Mon père s'appropriera ton corps et ta descendance dès qu'il réalisera à quel point tu es spéciale. Et même si nous taisons cet état de fait, il te prendra dans l'unique but de se nourrir de ton énergie vitale... et de me contrarier. Tu ne comprends pas, tu ne sais pas tout ce que j'ai dû... Bon sang, je mourrais s'il te faisait du mal, Armila. Ce n'est pas un coup à la tête qui me fait peur.

La terreur et la fragilité d'Azrel transperçaient sa voix, remuant des émotions puissantes en moi. Je sentais bien que mon amant me cachait des informations sur sa vie dans les Vourlines et sa relation avec son père. Par pudeur, sans doute. Par fierté, peut-être. Il ne l'aimait pas, d'accord. Mais cela allait au-delà d'une simple querelle père-fils. Avait-il été violent avec Azrel ? Cela me paraissait plus que probable, mais je n'osai pas questionner mon compagnon bien assez bouleversé comme cela. Il n'en fallut pas plus pour réveiller ma colère.

Je me levai brusquement et courus jusqu'à cette fichue pierre. Je la saisis en tremblant. Elle était plus lourde que ce que j'avais imaginé. Je revins sur mes pas un peu moins vite. Azrel fermait déjà les yeux, mais je passai devant lui sans m'arrêter. J'avançai encore sur une cinquantaine de mètres, au bord de la falaise qui nous avait vus accoster, et je me délestai de mon poids en hurlant ma rage. Je criai à nouveau deux fois, jusqu'à ce qu'une toux me convainque de garder le silence. Quand je revins vers Azrel, je constatai qu'il s'était assis contre une paroi et qu'il avait repris quelques couleurs. Pas suffisamment à mon goût.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant