Chapitre 29

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J'étais encore en vie. Un mort ne ressentait plus de douleurs, du moins c'était l'idée que je m'en faisais. Et là, j'avais l'impression d'avoir été piétinée par un taureau en colère. Chaque souffle était une épreuve, et chaque mouvement un supplice. Car mon corps n'était pas immobile. Je reconnus le balancement caractéristique d'un cheval au pas. Je déglutis avec peine.

– Armila ? fit la voix douce de mon oncle.

Après plusieurs essais infructueux, je parvins à ouvrir les yeux.

– Te revoilà. Tu nous as fait une belle peur.

Contrairement à nos habitudes, Guillem m'avait installée de devant lui. Il me tenait fermement pour m'éviter de glisser. Je voulus lui demander ce que nous faisions sur Jawal au lieu de nous reposer, mais aucun son ne sortit de ma gorge, si ce n'est cette sorte de gazouillement ignoble. Je tentai alors de bouger, mais tout mon corps était perclus de douleurs, comme si j'avais été rouée de coups. Je me contractai, prise de panique.

– Inutile de te tortiller comme un ver, ma fille. Maintenant que tu es réveillée, je vais informer les autres que nous ferons une halte au prochain petit bois.

Je le sentis se tourner et s'agiter, probablement pour signaler mon retour parmi les vivants au reste du groupe qui devait être à quelques mètres derrière nous.

– Nous ne pouvions pas attendre davantage pour poursuivre notre avancée, continua-t-il enfin. Ton inconscience a duré plusieurs heures, presque une journée entière pour dire vrai. Vaëlle pense que ta venue au royaume des Sylphes, une de tes terres d'origine, pourrait renforcer ta magie élémentaire et ainsi t'aider à combattre les méfaits du sort. Nous ne perdrons donc plus de temps en route. Comment te sens-tu ?

Pas au mieux de ma forme, et c'était un euphémisme, mais je ne répondis rien. Guillem me redressa contre lui, ce qui facilita grandement ma respiration. Je goûtai à chaque goulée d'air comme à un fruit sucré.

– Soif.

Guillem changea de prise pour se libérer un bras, et me tendit l'outre qu'il avait à sa taille. J'étais encore très faible, et je dus me résoudre à laisser mon oncle me tenir le récipient comme si je n'étais qu'un nouveau-né. Le liquide frais me fit un bien fou en coulant dans ma gorge.

– Merci, fis-je d'une voix plus assurée.

– Tes crises sont de plus en plus fortes, Armila. Je suis très inquiet.

– Azrel, fut le seul mot qui me vint aux lèvres.

– J'ignore où il se trouve. Je suis désolé. J'ai enquêté sur Eryne pendant plus de dix ans. Je ne lui ai jamais découvert de frère. En désirant échapper à son amant, Lys a dissimulé efficacement les origines de ses filles. Je m'en veux terriblement. Si j'avais davantage creusé la question, j'aurais pu remonter jusqu'à lui, et je l'aurai forcé à te délivrer. Si seulement j'avais persisté...

– Guillem... Je te dois tellement.

Mon oncle me serra à nouveau contre lui et je me laissai aller dans ses bras paternels. Je me sentais déjà mieux, et je profitai de notre tête-à-tête pour aborder le sujet qui me tenait tant à cœur.

– Comme Vaëlle... tu penses... il s'est servi de moi ?

Une si longue phrase me fit tousser. Guillem me massa le dos et attendit que je respire correctement pour répondre.

– Je ne sais pas, mon enfant. Mais il aurait pu mettre fin à une partie non négligeable de tes tracas... Lui avoir fait confiance ne fait pas de toi quelqu'un de faible d'esprit. Personne ne pense ça, et surtout pas Vaëlle.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant