Chapitre 30

36 5 19
                                    

Après une grosse semaine de voyage, nous pûmes apercevoir les montagnes du Spectre se dresser au loin. Et quatre jours plus tard, ces géantes de roches nous dominaient de toute leur magnificence. Les paysages que nous traversions étaient à couper le souffle : des plaines entrecoupées de forêts de feuillus et villages isolés aux maisons en pierres recouvertes de lierre. Le printemps touchant à sa fin avait paré les champs de fleurs aux myriades de couleurs. Les abeilles s'en donnaient à cœur joie. Nous passâmes devant un verger dont les cerisiers étaient à présent rouges de fruits. Nous nous régalâmes, au grand désarroi de Monessa qui estimait que c'était du vol. La fraîcheur quittait progressivement le cœur du royaume de Maleda. D'ailleurs, l'air était aussi chaud qu'en plein été à Lazula. Cela promettait pour les mois à venir.

Nous dormions dans nos tentes de fortune, à l'exception d'une halte dans une auberge sortie de nulle part, mais dont le propriétaire (un doté, comme je l'apprendrai après coup) connaissait bien Guillem. Je faisais des efforts pour passer du temps avec Vaëlle, ce qui semblait lui faire plaisir. Je devais reconnaître que la sorcière avait un bon fond et de grandes idées pour un monde plus juste. Mais l'immobilisme imposé par notre voyage n'arrangeait pas mon humeur, et nous nous disputâmes à deux reprises... au sujet d'Azrel. Car oui, le Démon ne quittait jamais mes pensées. Pour dire vrai, j'étais même inquiète pour lui. Je lui cherchais toutes les excuses possibles, et en même temps j'imaginais nos retrouvailles tendues. Il me devait des explications, et des bonnes ! Hors de question de me montrer faible en lui avouant la profondeur de mes sentiments.

Guillem prenait le temps de m'entraîner une à deux heures par jour. Je crois que sans ces moments de défoulements, je serais devenue complètement folle. Je trouvais même que deux heures n'étaient pas suffisantes. Rahim m'obligeait à lire sur Jawal, mais nous n'avions que peu de livres avec nous. Aussi, je me plongeai tant de fois dans les poèmes d'Azrel que j'en connaissais certains par cœur, ce qui était assez extraordinaire étant donné mes faibles capacités de mémorisation. Monessa m'avait prêté son unique roman. Sans surprise, une histoire d'amour avec beaucoup, beaucoup de scènes intimes. Avec beaucoup, beaucoup de détails. J'étais vraiment mal à l'aise de lire de pareilles obscénités derrière mon père de substitution. Je finis par renoncer, mais cette lecture avait fait ressurgir les souvenirs de nuits auprès d'Azrel et... j'étais encore en train de penser à lui.

La mission Sidurg/Monessa n'avançait pas. Monessa était tellement timide et pudique (à l'inverse des personnages de ses romans) que je ne parvenais à rien. Et Sidurg ne paraissait pas être le genre de personne à comprendre les sous-entendus. Un mâle dans toute sa splendeur. À une semaine de notre arrivée au passage côtier, j'avais donc mis Rahim à contribution. Mais le rouquin se montrait la plupart du temps d'un flegme horripilant. Et Vaëlle voyait d'un mauvais œil mes manœuvres. J'avais tenté de chanter les louanges de mon amie au grand brun, stoïque. Puis j'avais convaincu Monessa d'aller lui parler. Après deux minutes à discuter saison et pluie, elle était revenue, plus rouge qu'une cerise mûre. Ils s'échangeaient toutefois quelques mots, à la volée, mais Sidurg ne semblait pas vraiment sensible au charme de la sorcière. De manière globale, il ne se mêlait pas souvent à nous, ce qui minait la jeune dotée et me paraissait tellement injuste. Je décidai donc de passer à la vitesse supérieure. La subtilité, ce n'était pas pour moi. Et je devais être fixée. Je me dirigeai d'un pas ferme vers le brun qui était en train de ranger les bols nettoyés après notre maigre pitance.

– Sidurg ?

– Armila.

– Qu'est-ce qui ne te plait pas chez elle ?

– Quoi ?

– Pas quoi ! Qui !

– Euh... qui ?

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant