Chapitre 9 - livre 2

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Avec nos cinq montures, nous étions bruyants et facilement repérables. J'avais un sens de l'orientation déplorable, et sans carte, nous devions voyager à l'aveugle en nous tenant à l'écart des sentiers battus. Heureusement que Sidurg avait une solide expérience d'espion ! J'observai le grand brun : installé sur sa jument, il était concentré sur sa mission. Son œil de verre lui donnait un regard très particulier mais pas dénué de charme. Il avait laissé pousser une épaisse barbe irrégulière, sans doute à cause de ses multiples cicatrices. Avec ces lésions sur le visage et le cou, il était le témoin silencieux des excès de colère de mon grand-père. Pourtant, il l'avait servi avec loyauté... jusqu'à hier. Quelles seraient les conséquences de sa fuite ?

Alan était une véritable énigme pour moi. Quand je vivais parmi les humains, j'avais entendu des histoires atroces sur les Faés. Cruels, sadiques, ombrageux, sans compassion pour les mortels, voilà les traits de caractère que nous leur prêtions. Et Alan répondait à cette description à bien des égards. Pourtant, il était aimant et attentionné avec son épouse, Coralina, et avait à plusieurs reprises fait un pas dans ma direction. Il n'était donc pas dénué de sentiments, mais ces derniers étaient très sélectifs. Je ne savais jamais sur quel pied danser avec lui. J'avais du mal à le considérer comme un membre de ma famille. Pour moi, il n'y avait que Guillem. Et Louan... Je repensais souvent à mon petit frère, tué par les hommes de Flora. Quelle injustice. Le vide que sa disparition avait creusé dans ma poitrine ne serait jamais totalement comblé.

Parfois, le quotidien à la ferme me manquait. Malgré les brimades régulières de mes faux parents, je jouissais d'une certaine liberté, et le travail de la terre me convenait. Comment avouer à mes nouveaux amis qu'une Faée de sang royal n'aspirait à rien de plus qu'une vie paisible dans une simple exploitation ? Ils ne comprendraient pas. Personne n'avait jamais su me comprendre. Et il y avait Azrel. Lui aussi était enfant de seigneur, un grand Faé. Comment voyait-il son avenir avant que tout dégénère ? Pourrait-il retrouver ses esprits ? Je ne trouvais aucune explication à cette histoire d'âme volée. J'avais interrogé mes compagnons sorciers, mais ces derniers n'étaient pas d'accord sur l'origine du mal qui rongeait mon Romiya. Ce matin, la discussion revint sur le tapis. Je voulais absolument comprendre.

– Quoi que ce soit, nous avons à faire à une magie de haut niveau puisqu'elle touche l'âme, affirma Rahim. Peut-être un sort de sang ?

– Comme celui qui m'a humanisée pendant vingt ans ? demandai-je.

– Ce genre de rituel n'est pas accessible à tous les dotés, soupira Monessa. Et je ne sens pas d'empreintes inconnues sur lui. Je ne pense pas qu'il s'agisse de cela.

– Mais nous avons affaire à de la magie supérieure.

– Qu'est-ce que ça veut dire ?

À Fytalie, j'avais suivi une formation dense, trop dense, pour intégrer les bases de la magie. Je n'avais pas retenu grand-chose, comme c'était souvent le cas lors d'enseignements frontaux. J'étais une femme d'action. Cependant, ce terme me rappela vaguement quelque chose. Monessa m'adressa un sourire compréhensif.

– Les sorciers peuvent manipuler de manière superficielle la matière : végétale, organique, minérale. Il y a bien sûr une variété de sorts plus ou moins accessibles aux dotés, selon leur niveau de compétence et d'apprentissage. En revanche, la magie supérieure touche les âmes, l'essence des individus... directement. Elle agit sur ce qu'ils sont, si tu préfères. Le premier palier est l'art de la divination, que pratique mon frère. Il s'agit de saisir l'inconscient de l'esprit pour lui soutirer des informations sur le passé ou le présent... ou bien capter des intentions, des projets. Ce n'est pas du tout une façon de lire l'avenir, mais d'obtenir des visions, des ressentis sur le vécu d'une personne cible.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant