Chapitre 36

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– Les grottes bloquent certaines formes de magie. Nous devons agir ici, sur ce balcon. Finissons-en rapidement, avant que le sang de ce minable devienne impropre au rituel. Puis nous descendrons sur la place centrale pour nous unir.

J'analysai cette phrase, prononcée par le père d'Azrel avec un mépris non dissimulé. Une union ? Est-ce que c'était un cauchemar ? Je bondis sur mes jambes et me reculai en boîtant jusqu'au bord de la terrasse. Un coup d'œil me suffit pour comprendre qu'il n'y avait aucune issue de ce côté-ci. Marchant de côté, j'entrepris de faire le tour de la zone, sans lâcher des yeux le seigneur Démon. Chaque pas était une épreuve. J'avais l'impression que des milliers d'épines étaient enfoncées dans mes plantes de pieds. Je ne pourrais pas fuir dans cet état. Remokus le savait pertinemment et un sourire sadique étira ses lèvres. Pourtant, je refusai de me laisser cueillir sans résister. Me mordant l'intérieur des joues pour m'empêcher de geindre, je poursuivis en direction de l'escalier, unique sortie possible. En y regardant de plus près, cela m'avait plutôt l'air d'être une entrée. J'hésitai.

– Trajis, emmène-moi ma fiancée !

Le concerné apparut à côté de moi dans un souffle. Tout comme son frère, il avait la capacité de se déplacer à une vitesse surnaturelle. Avant que je puisse réagir, il me retourna et me mit violemment à genoux. Je commençai à résister, mais mon adversaire était bien trop fort pour moi. En moins d'une minute, je me retrouvai joue contre terre, les poignets attachés dans le dos. Le corps de Trajis s'appuya contre le mien dans une position totalement indécente. Il me saisit les cheveux et me redressa brutalement contre son torse. Son souffle vint chatouiller ma nuque, et je l'entendis murmurer :

– Les liens ne sont pas serrés. Buvez ce qu'il vous offrira, et gagnez du temps. Vous ne devez surtout pas pénétrer dans cette montagne. Est-ce bien clair ?

– Pourquoi m'aidez-vous ?

– Parce que je refuse que Remokus gagne encore plus de puissance. Cela ne ferait qu'aggraver sa mégalomanie et il n'en serait que plus cruel.

Ce manque de loyauté me surprit un peu, mais Trajis disait vrai en affirmant que mes entraves n'étaient pas serrées. Je pris donc la décision difficile de lui faire confiance. Il me poussa violemment vers son seigneur, et la douleur à mes pieds fut si fulgurante que je trébuchai et m'écroulai au sol, sous le rire sadique du père d'Azrel.

– J'avoue qu'il est fort plaisant de voir la descendance de mes ennemis en position de faiblesse, se délecta-t-il. Eryne a su se montrer créative en te jetant ce sort et en te destinant à la prostitution. Mais comme toujours, il a fallu que mon stupide fils se mêle de ce qui ne le concernait pas. Par sa faute, j'ai perdu ma Romiya... il peut s'estimer heureux que je ne lui rende pas la politesse en tuant la sienne.

Une seconde... sa Romiya ? Comme le surnom que m'attribuait Azrel ? Je relevai la tête, surprise. Remokus se frottait les mains tout en s'approchant de moi.

– Oui, je sais que le Romyx vous lie, Azrelion et toi, comme il me liait à ma douce Lysette.

J'ouvris la bouche pour tenter de trouver l'air qui me manquait. Mon intuition était donc la bonne ? Azrel et moi étions connectés par ce truc étrange.. Mais alors pourquoi m'avait-il soutenu le contraire ? Et pourquoi m'avoir abandonnée ici ? Ah moins qu'il ne s'agisse que d'une ruse de Remokus pour me déstabiliser. Si tel était le cas, cela fonctionnait à merveille.

– C'est faux, me rebiffai-je. Vous dites n'importe quoi, vos paroles sont un venin.

– Hum, j'ai pu réunir bon nombre d'informations sur toi, petite Armila, poursuivit le seigneur Démon, insensible à ma détresse intérieure. Certains employés des pauvres miséreux qui t'ont servi de parents étaient en réalité mes serviteurs. J'ai suivi de loin ta fuite, jusqu'à ce que tu disparaisses au Nord de Maleda. L'intervention du phénix m'a permis de remettre la main sur toi, et sur mon fils. Tu te demandes à présent où est passé ton sauveur ? Vois-tu, ce malheureux Azrel est pris en étau entre sa survie et la tienne. Il souffre, certes, mais il a choisi de vivre. Tu me vois désolé de briser tes illusions. Romyx ou pas, il n'a guère l'étoffe d'un héros. Oh, t'a-t-il dit qu'il était l'amant de Dame Flora ? Une vraie salope d'Ondine, mais avec un corps magnifique. Je ne suis pas étonné de sa décision, Azrelion a toujours eu du mal à résister à une belle femme ou à un bel homme. J'imagine qu'il ira se consoler auprès d'elle en échange d'un travail bien payé. Toutefois, dans un dernier sursaut de compassion, il a daigné laisser à Trajis une outre remplie de son sang. Je t'en prie, régale-toi.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant