Chapitre 10

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Pour une raison qui m'échappait, Vaëlle ne me tenait effectivement pas rigueur de mon incroyable perte de contrôle.

– Contrairement à Guillem, je n'avais pas pris la pleine mesure de ton hypersensibilité, regretta-t-elle. J'aurais dû davantage te ménager.

– Vous pouvez me guérir ? demandai-je avec espoir. Me rendre plus... normale.

– Tu n'es ni malade ni anormale. La seule ombre qui pèse sur tes épaules est celle du sort d'inhibition qui t'enferme dans ton propre corps. Et pour cela, je ne suis pas certaine de pouvoir agir. Je vais devoir étudier sérieusement la question. Pour le reste, chacun est ce qu'il est. Il est bien plus difficile de dompter ses enfers en l'absence d'un cocon d'amour et de soutien. Et toi, ma pauvre enfant, je sens que tu as été peu entourée jusqu'à maintenant.

– Je n'ai besoin de personne.

– À d'autres ! Guillem est quelqu'un de bien, tu peux être fière d'être de son sang. Il saura veiller sur toi.

Je grommelai une vague désapprobation. Guillem avait pris une place bien trop importante dans ma vie, en seulement quelques jours. Je n'en revenais toujours pas de lui avoir sauté dans les bras comme une petite fille qui retrouve son père. Je détestai me sentir si vulnérable, mais je devais bien avouer que, quelque part, j'étais heureuse de me savoir de sa famille. Enfin, si cette histoire s'avérait vraie, ce dont je doutais encore.

À propos de Guillem, je guettai son retour et celui d'Azrel. Tous deux étaient partis depuis de longues heures pour discuter. L'inimité qu'ils entretenaient était flagrante, et je me demandai s'ils pouvaient en venir aux mains.

– Sa conversation avec le Démon est sûrement plus conséquente que prévue, et ce n'est guère surprenant, me rassura Vaëlle en me voyant fixer la porte.

– Azrel, soupirai-je. C'est son nom.

– Azrel, oui. Quels sont tes liens avec lui ?

– Aucun. Je ne le connais pas. Je l'ai croisé pour la première fois quelques heures avant ma rencontre avec Guillem. Les Démons ne sortent jamais de la chaîne des Vourlines.

– Je dirais plutôt que les humains ne les voient jamais en sortir. Tu dois comprendre qu'Azrel n'est pas un inconnu pour ton oncle. Il séjourne régulièrement à Ewaden.

Je levai un sourcil interrogateur.

– Je serais bien incapable de t'en apprendre davantage à son sujet, je ne m'informe pas des affaires de la cour ondine, ni d'aucune autre, depuis un certain temps.

Je méditai ces informations tandis que la sorcière quittait la pièce pour retourner à ses potions, selon ses propres mots.

Si mon hôte n'entretenait aucune rancune envers moi, ce n'était clairement pas le cas de ces deux enfants. Sa fille, répondant au nom de Monessa, arborait une coiffure identique à sa mère, mis à part que ses cheveux étaient blonds. Petite et généreusement formée là où Vaëlle était grande et chétive, elle portait avec bien plus de sensualité les robes criardes du dressing familial. Quant à Rahim, il me dépassait de trois ou quatre centimètres. Pas de toge ni de tunique, mais un haut sans manche malgré la fraîcheur, ce qui me laissa tout le loisir de constater à quel point il était musclé, et un pantalon lui arrivant à mi-mollet. Il n'avait pas de chaussures aux pieds, ce qui lui donnait une allure bohème. Probablement plus souvent en extérieur qu'enfermé dans une pièce, sa peau était couverte d'un bronzage uniforme. Sa chevelure rousse un peu trop longue formait une masse emmêlée au-dessus de sa tête, et ses immenses yeux noisette m'analysaient des orteils jusqu'à la pointe de mes cheveux.

Un silence gênant s'installa entre nous. S'ils pensaient que j'allais le rompre, ils pouvaient attendre longtemps. Lassée de mon immobilisme, je saisis la canne prêtée par Vaëlle et boitillai jusqu'à l'entrée du manoir.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant