Chapitre 9

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Une odeur de vieilles pierres et de feu de bois me chatouilla les narines. Je m'étirai dans des draps chauds et soyeux. Au moment où mon cerveau comprit que je n'étais pas chez moi, une vive douleur au niveau de ma cheville gauche me foudroya. Je m'étranglai à moitié en ravalant un cri.

– Tout doux, ma belle, fit une voix féminine légèrement rocailleuse. Tu n'es pas passée loin du point de non-retour !

Je battis des paupières pour m'habituer à la luminosité, pourtant peu intense, des lieux. La femme qui venait de s'adresser à moi était assise sur une chaise à deux pas de mon lit. Elle avait la peau sombre et sa longue chevelure noire et argent était coiffée de multiples mèches entortillées. Son visage était souligné par de fines rides au niveau des yeux et du front. Son corps d'une maigreur extrême était recouvert d'une interminable robe aux couleurs vives. Je remarquai la myriade de colliers, bracelets et autres bijoux qu'elle arborait, y compris au nez ou encore à l'arcade. Ses iris alertes brillaient d'un vert si étincelant qu'ils me firent reculer sur mon lit tant ils ne me paraissaient pas naturels. Je vérifiais ses oreilles : une humaine, ou plutôt une dotée.

– Vaëlle ? demandai-je d'une voix éraillée.

– Elle-même ! rit-elle. Et toi, tu es Armila. Je te souhaite la bienvenue dans mon manoir.

Qui m'avait amenée jusqu'ici ? La réponse s'imposa à mon esprit. L'inconnu... Azrel. Mon corps frémit à sa simple évocation. Et Guillem ? Était-il arrivé ? Était-il blessé ? Que me voulaient nos poursuivants ? Que savaient ces gens sur mon passé que j'ignorais moi-même ? Des questions, des questions, mais toujours cette incapacité à m'exprimer. Je ne connaissais pas cette femme, j'étais sur mes gardes et tout mon être faisait obstacle à ma volonté de communiquer. Dissimuler ses émotions. Cacher ses forces et ses faiblesses. Faire profil bas. Tenir le coup.

Je me renfrognai en baissant les yeux. Je remarquai alors la cicatrice sur mon bras. Je la touchai du bout des doigts. Ma peau tirait un peu, mais ce n'était pas douloureux. J'écartai les draps pour vérifier ma cheville : elle était en partie immobilisée par un bandage trop serré.

– La plaie à ton bras, bien qu'impressionnante, fut aisée à soigner, reprit Vaëlle. Mais la morsure était très profonde et je devais éviter tout risque d'infection. Heureusement pour toi, je suis très calée en potions et magie du corps. Je suis ce que les humains appellent une guérisseuse. D'ici quelques jours, tu seras comme neuve.

Je hochai prudemment la tête, consciente que c'était le moment de remercier mon hôte. J'optai pour un sourire crispé faisant office, tout en détaillant la pièce où je me trouvais. Les pierres grises qui composaient les murs donnaient une impression de petitesse et de lourdeur à cette chambre, malgré le côté chaleureux apporté par la modeste cheminée où brûlait un feu. Partout, il y avait des étagères remplies de livres, statuettes, bougies et bibelots en tout genre et non assortis les uns aux autres. Je me sentais étouffée par cet excès de décoration. J'empoignai en tremblant un verre d'eau posé sur la petite table de chevet et le vidai d'une traite. Vaëlle se remit à rire, et j'eus la désagréable sensation qu'elle se moquait de moi. J'inspirai un grand coup et pris sur moi pour oser demander :

– Savez-vous où sont Guillem et Azrel ?

– Hum. Le Démon est enfermé dans mon sous-sol. Il n'était pas censé pouvoir repérer mon manoir, c'est très inquiétant qu'il ait pu te conduire jusqu'ici. À moins que ton invitation à passer la protection ait déteint sur lui en raison de ton état critique. Quoi qu'il en soit, je me méfie des individus de son espèce. Je dois dire qu'il m'a donné du fil à retordre, mais j'en suis venue à bout avec l'aide de mes enfants et de quelques potions et sorts de mon cru. Il n'est pas bien bavard, il faut croire que vous vous êtes bien trouvés, lui et toi !

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant