Chapitre 26

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Je n'atteignis jamais la cellule d'Azrel. Lorsque j'arrivai dans la pièce principale du rez-de-chaussée, je trouvais Guillem debout près de la porte-fenêtre, aux aguets. Il tenait Vaëlle dans ses bras, et cette dernière me parut, pour la première depuis que je la connaissais, effrayée. Sidurg et Rahim étaient assis sur le petit canapé et je remarquai que le grand brun serrait le manche d'une longue lame dans sa main gauche. Très vite, des murmures résonnèrent en moi, m'avertissant d'un danger imminent. L'air pesait lourd, rendant l'atmosphère oppressante.

– Que se passe-t-il ? s'inquiéta Monessa.

– Nous aurions dû quitter le manoir hier, soupira Guillem. Nous ne sommes plus en sécurité. Les esprits s'agitent. Rassemblez vos affaires, nous partons dans cinq minutes.

– Et Azrel ? demandai-je.

– Qu'il se débrouille, je ne m'en fais pas pour lui.

– J'aimerais aller lui pa...

Un cri monstrueux couvrit ma voix avant même que je ne puisse terminer ma phrase. On aurait dit un croassement de corbeau, mais en bien plus puissant, plus effrayant. Pourtant, je fonçai sans réfléchir à l'extérieur. Les autres suivirent immédiatement et nous pûmes tous assister à l'arrivée d'une créature à la beauté extraordinaire. Il s'agissait d'un oiseau aussi grand que deux bœufs. Son envergure était impressionnante. De couleur rouge et orangé, l'animal possédait un immense bec jaune vif et légèrement recourbé vers le bas. Les pointes de ses plumes brillaient de nuances de vert et de bleu et se prolongeaient par des flammes imposantes. Sur sa tête, une longue crête formant des arabesques flottait au vent. Un phénix, l'esprit du Feu. L'oiseau s'éleva au-dessus de la maison, puis je le vis se transformer en un brasier de forme sphérique qui fonça à une vitesse folle sur le manoir, provoquant des dégâts dans le toit et un début d'incendie. La créature légendaire retrouva son aspect initial et reprit de la hauteur pour mieux renouveler l'opération. Les flammes qui surgissaient au sommet de l'édifice n'avaient rien de naturel. Elles étaient immenses, dévastatrices.

Vaëlle laissa échapper un gémissement douloureux. Son manoir, son refuge, était en train d'être détruit. Monessa avait placé ses deux mains devant sa bouche comme pour retenir un cri de détresse. Rahim fut le premier à bouger. Il repartit à toute vitesse dans le bâtiment, ignorant les appels apeurés de sa mère.

– Sidurg, Vaëlle, Armila, aux écuries ! ordonna Guillem. Monessa, mets tous les fruits et légumes que tu pourras récupérer dans les sacoches. N'oublie pas de prendre les outres, nous les remplirons en chemin. Je retourne dans le manoir pour ramener Rahim. Préparez les trois juments, mais laissez Jawal tel quel. Il ne supporte aucun harnachement.

Tous hochèrent la tête et chacun se mit en route vers son objectif. Sauf moi. Je n'eus pas à réfléchir longtemps pour savoir quoi faire. Je courus à la suite de mon oncle, mais au lieu d'emprunter les escaliers conduisant à l'étage, je franchis le passage menant à ceux qui s'enfonçaient dans le sous-sol. L'endroit n'était pas sombre, comme je le craignais, mais éclairé par un feu en provenance du couloir de droite. Je m'élançai, regrettant la robe enfilée à peine une heure plus tôt. Je ne fus pas surprise de découvrir Azrel dans sa version torche humaine. S'il y avait eu une porte à sa cellule auparavant, désormais il n'y avait plus qu'un tas de cendre.

– Azrel !

Mon démon ouvrit les yeux. Ses iris dorés brillaient d'une lumière éblouissante. Quand il réalisa que je me tenais devant lui, l'intensité de son feu baissa progressivement. Je compris à son regard qu'il se demandait s'il devait m'approcher ou me fuir. Je lui montrai son carnet de poèmes que j'avais encore en main.

– C'était toi, bredouillai-je.

Il m'offrit un sourire triste, mais se décida à avancer de trois pas dans ma direction. Malgré la chaleur qu'il exhalait, je comblais le reste de la distance. Azrel leva lentement son bras et caressa ma joue du bout de ses doigts. Je sentais une profonde mélancolie se dégager de lui.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant