Chapitre 40

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Je n'étais pas parvenue à me rendormir. Les cris d'Azrel continuaient de résonner au plus profond de mon être et mon moral était au plus bas. J'avais allumé un chandelier pour parcourir le palais de mes grands-parents à la recherche d'une bibliothèque, toujours en compagnie de Faucon. Je croisais beaucoup de Faés et quelques dotés, à croire que l'endroit ne connaissait jamais le sommeil. Lorsqu'enfin je pus m'installer sur un divan confortable, je sortis le petit recueil de poésie d'Azrel que j'avais pu récupérer dans un piteux état. Je tentais d'ordonner les pages déchirées quand Monessa débarqua comme une tornade.

– Tu es là ! Je me demandais où tu étais passée ! Tu n'étais plus dans la chambre.

– Toi non plus...

– Je suis allée dormir avec ma mère, car tu criais... et j'ai culpabilisé de te laisser seule, alors je suis revenue. Mais tu n'y étais plus. J'ai eu peur que... tu sois partie.

– Et où irais-je ? m'agaçai-je.

– Le chercher. Tu l'as appelé toute la nuit. Je suis certaine que tu y penses.

Mon cœur rata un battement. Nul besoin de le nommer. Mon amie n'était pas dupe quant à mon état d'esprit, aussi je ne me fatiguai pas à la contredire.

– Il me manque, marmonnai-je. Je sais qu'il est avec son père, mais je n'ai pas confiance. Je crois qu'il ne m'a pas tout dit sur leurs relations. Et... je mérite une sérieuse explication.

– Armila... j'ignore quoi te dire. Il t'a dénoncée à dame Flora, il a provoqué la chute de ton père. Il a failli se rendre responsable de ton mariage avec le seigneur Remokus. Ça fait beaucoup... Te faut-il vraiment les détails ?

Monessa n'était pas prête à écouter mes doutes, c'était évident.

– Et avec Sidurg ? demandai-je pour détourner la conversation.

– Nous allons avoir du mal à nous voir : la garde d'espions dotés n'a que peu de libertés. Je commence à comprendre pourquoi une relation avec une femme l'angoisse. Mais il me plait vraiment beaucoup, alors nous nous débrouillerons du mieux que nous pourrons. J'ai bon espoir qu'il fuira Fytalie avec moi quand nous repartirons.

– Nous allons repartir ?

– Vaëlle, Rahim et moi, oui. Notre place n'est pas ici.

Je lâchai mon livre, abasourdie, faisant voltiger les pages à peine reclassées.

– Armila, tu as retrouvé ta famille... Guillem ne sera jamais bien loin. Et... avec le temps, les prémices du Romyx s'affaibliront, tes sentiments disparaîtront, même si aujourd'hui, cela te paraît inenvisageable. Je sais que tu aimes Azrel et que tu te soucies de lui, mais je suis certaine qu'il va très bien. Il ne mérite pas tes égards. Un nouveau chapitre de ta vie s'ouvre, c'est le moment de renouer avec tes racines. Le seigneur Alan va te recevoir dans la matinée pour tout t'expliquer. Je suis sûre que tout va s'arranger pour toi.

– Alors tu me quitteras sans remords ?

– Je... enfin... j'ai beaucoup reproché à ma mère de me tenir à l'écart du monde extérieur. Mais elle m'a aussi permis de connaître la liberté. Ici, les dotés sont très surveillés. Ce n'est pas une vie pour moi.

Monessa grattait une de ses grosses mèches blondes en se tortillant les pieds, visiblement gênée. J'étais incapable de réagir. Même mon habituelle colère avait jeté l'éponge, et je restai apathique dans mon fauteuil, sans la moindre pensée cohérente.

Le monde s'écroulait autour de moi. Je perdis la notion du temps, les yeux rivés sur les écrits d'Azrel. J'eus à peine conscience que Monessa me ramenait à notre chambre et je m'allongeai comme une marionnette. Quand Guillem me trouva pour me conduire à mon grand-père, j'observai avec détachement son inquiétude. Il me posa quelques questions, mais n'obtint que mon silence obstiné. Je le suivis jusqu'à une grande pièce ovoïdale meublée d'une table de la même forme. Tout ici n'était que pierres gris clair et plantes. Froid, comme mon âme. Je reconnus le sylphe qui m'avait secouru. Alan, mon grand-père aux traits de jeune homme, était déjà installé, coudes sur le plateau et menton sur ses mains jointes. Ses longs cheveux blonds retombaient négligemment sur ses bras. À ses côtés, une femme tout aussi parfaite siégeait fièrement. Sa crinière châtain aux reflets roux lui arrivait au-dessus des épaules. Sa peau était d'une teinte rosée proche de celle du seigneur, et ses oreilles ressortaient davantage encore. Leurs yeux violines étaient braqués sur moi. Debout derrière eux, Lucina me souriait avec bienveillance. Elle tenta d'appeler Faucon qui l'ignora royalement. Et contre le mur, un homme et une femme aux tenues fytaliennes se tenaient bien droit, l'œil vigilant. Des dotés. Je reportai mon attention sur le couple assis devant nous.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant