Chapitre 35

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Après quatre jours dans les prémices de la chaîne montagneuse des Vourlines, je ne pouvais plus avancer. J'avais l'impression que mes pieds n'étaient plus que des moignons. Azrel prépara une mixture à base de plantes écrasées, mais rien de miraculeux. Et comme je refusais toujours qu'il me porte (la plupart du temps en tout cas), nous restâmes la journée du lendemain à paresser sur un plateau boisé.

Nous avions constamment de petits gestes tendres l'un envers l'autre, mais nous étions trop tendus pour aller plus loin. Et Azrel avait le regard de plus en plus fuyant. Je dirais même qu'il avait volontairement fait durer sa partie de chasse pour m'éviter un maximum. Je sentais qu'il taisait bon nombre de souvenirs douloureux. Et si c'était moi la captive, j'avais l'impression que c'était lui qui était conduit à l'échafaud.

Je profitais du maigre repas que nous partagions pour me renseigner sur la façon de défaire un sort de sang. Peut-être aurais-je dû attendre un autre moment pour satisfaire ma curiosité, car mon amant m'apprit qu'il serait nécessaire que je boive le sang offert consciemment par son père et lui-même. Apparemment, une formule permettrait de rendre le processus plus rapide et moins désagréable, mais n'étant ni l'un ni l'autre des sorciers, je devrais faire sans. Si au moins j'étais assurée d'obtenir ce qu'il me fallait des deux Démons... j'avais plutôt peur d'être la seule blessée dans cette rencontre.

– Et votre grand seigneur ? demandai-je.

– Notre grand seigneur ? répéta Azrel en me dévisageant comme si j'étais folle.

– Oui ! Si nous lui demandons grâce, il pourrait nous protéger de ton père. Nous devrions aller le voir en premier. L'arrivée d'une Faée est une aubaine, tu l'as dit ! Même s'il souffre aussi de démence, il pourrait convaincre ton père de défaire le sort et de nous laisser en paix.

– Eh bien...

Mon compagnon se figea et regarda en direction d'un bosquet, aux aguets. Je l'imitai, mais ne remarquai rien de spécial.

– Ton vœu va être exaucé. Nous serons bientôt conduits au grand seigneur, Romiya, chuchota Azrel. À présent, nous ne pouvons plus nous échapper. Nous nous en remettrons à lui.

– Qu'est-ce qu'il se passe ? demandai-je sur le même ton.

Un souffle chaud m'enveloppa, et avant que je ne puisse me poser plus de questions, une immense flamme ralluma l'éclat déclinant du ciel. La lumière devint si vive que je dus me couvrir les yeux, me rendant aveugle à la scène qui se jouait devant moi. Je fus happée dans des bras brûlants et je compris qu'Azrel m'avait rapprochée de lui dans un ultime geste de protection. Je murmurai son prénom, tentative futile pour m'éviter de sombrer dans la panique, tout en m'agrippant à son vêtement.

– Vingt ans sont passés, Azrelion. Tu es ponctuel. À croire que cette jeune garce ne t'a pas donné beaucoup de fil à retordre. Je parie que tu l'as séduite pour gagner sa confiance. Oui... une beauté pareille, je suis certain que tu y as goûté. Voilà qui a dû te changer des jupons de cette peste de Flora.

Je sentis les bras de mon compagnon se resserrer autour de moi tandis que je cherchais à comprendre le sens des paroles prononcées par cette voix caverneuse. Que venait faire Flora là-dedans ? Il m'était toujours impossible d'ouvrir les yeux. Le souffle devint brûlant et une sensation de vertige me donna la nausée.

– Il est temps de poursuivre le travail entamé par Eryne, mon frère. Je vais l'emmener au seigneur.

Frère ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? Azrel ne m'a jamais parlé de l'existence d'un autre membre de sa famille.

Nous l'emmènerons. Je la garde auprès de moi, Trajis. Et je te conseille de maintenir tes distances.

– Tu n'as aucun ordre à me donner, tu as été banni des Vourlines. Tu n'es plus personne ici. Tu as de la chance que je t'apprécie sincèrement.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant