Chapitre 22

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Mon couchage était fichu, et je n'avais plus la force de finir de nettoyer les draps que j'avais mis à tremper. Azrel me proposa son lit, mais je ne voulais pas tenter le diable. Vaëlle rentrerait en trouvant mon sang en abondance. Si en plus elle me voyait dormir dans l'antre d'Azrel, il serait renvoyé au sous-sol sans autre forme de procès. J'optai donc pour le canapé dans la chambre de Monessa, avec une bonne couche de protection, bien que mes menstruations aient repris un débit plus classique.

Ma colocataire me réveilla à son retour, je la maudis intérieurement... et peut-être un peu extérieurement aussi. Elle avait choisi la manière forte en me sautant dessus. Alors que je priais pour que la fatigue l'emporte, sa mère poussa un cri. Elle avait sans aucun doute trouvé les draps souillés... À peine commencée, ma nuit était déjà finie. Je me précipitai vers la sorcière avant qu'elle ne décide d'assassiner le Démon en le tenant pour responsable d'un crime qu'il n'avait pas commis. J'en fus quitte pour une longue explication qu'Azrel fut invité à renouveler afin de vérifier les faits. Vaëlle voulut m'ausculter pour s'assurer de la normalité de mes fluides, je refusais vivement, prête à mordre si elle tentait quoique ce soit en dessous de ma ceinture. Finalement, nous nous (re) couchâmes seulement une ou deux heures avant le lever du soleil.

Il me fallut deux jours pour totalement récupérer de cette journée (et de cette nuit) éprouvante. Après quoi, mes menstruations stoppèrent, et la cure de fruits que m'imposait une Vaëlle aux petits oignons me fit le plus grand bien. Rahim m'avait ramené un livre de poésie de son passage au marché. Je trouvais cette attention touchante. Il avait sans doute lu ma réponse à son dernier texte. S'il était frustré, il n'en laissa rien paraître et se comporta avec moi comme l'ami qu'il était à mes yeux. C'était mieux ainsi.

Azrel fut poliment remercié de m'avoir empêchée de me vider de mon sang. Le manque d'enthousiasme de Vaëlle et ses enfants me désolait, mais le Faé ne se départait pas de son air insolent, ne se souciant guère de la méfiance qu'il continuait à provoquer. Bon, en même temps, il avait menacé de m'enlever pour m'emmener dans les Vourlines, et il avait essayé de nous faire localiser par de potentiels alliés en se transformant en brasier vivant. Objectivement, j'avais de quoi m'inquiéter. La raison me poussait à en avertir mon hôte. Mais je voulais croire en Azrel et ses bonnes intentions, et les sentiments remportèrent la partie... et mon silence. Ce Démon faisait battre mon cœur à tel point qu'il était pour moi inimaginable de le trahir.

Vaëlle ne posa aucune questions suspectes et se replongea rapidement dans ses recherches, respectant à la lettre les volontés de mon oncle. Bien que gentille et à l'écoute, elle n'était pas vraiment affectueuse. Je me demandai ce que je représentais pour elle : la nièce de son compagnon ou un défi pour ses talents magiques ? Comment Guillem, si doux et prévenant, pouvait-il être autant amoureux de cette femme un peu lunaire ?

La bonne nouvelle était que j'avais repris les entraînements avec Azrel. Je pus constater à quel point j'étais incapable d'apprendre le combat sans l'aide d'un connaisseur. Le Faé passa les huit premières séances à corriger les mauvaises habitudes que j'avais prises. Grande nouveauté, Rahim venait assister à une partie de certains cours. Uniquement en spectateur silencieux, mais attentif. Selon moi, il savait très bien que je faisais référence à Azrel lors de ma dernière note, et peut-être était-il jaloux ? Même s'il n'en donnait pas l'impression... En tout cas, il avait cessé de me glisser des poèmes derrière la commode. J'en étais désolée.

Monessa venait parfois m'encourager également. Contrairement à son frère, elle était très bruyante et je voyais bien qu'Azrel faisait de gros efforts pour ne pas la virer à coups de pied dans le derrière. Je lui avouai un matin qu'elle me donnait la migraine à moi aussi, et cette confidence eut le mérite de l'amuser. Il était si différent quand il se laissait aller, quand ses cheveux sombres se secouaient et que son sourire remontait jusqu'à ses magnifiques yeux couleur or. Je pensais honnêtement que je ne pourrais jamais me lasser d'un tel spectacle. Monessa m'affirma d'ailleurs m'avoir vu baver de loin. Quelle insolente !

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant