Chapitre 27

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Sitôt Azrel envolé, la chaleur extrême du sous-sol m'était vite devenue insupportable. Guillem m'avait jetée sur son épaule pour me sortir du manoir transformé en brasier par l'action combinée du phénix et du Démon. Lorsque nous rejoignîmes les autres devant l'écurie, nous étions encore secoués par une vilaine toux provoquée par la fumée. Mon oncle me fit grimper avec lui sur Jawal tandis que Vaëlle chevauchait avec Monessa, et que Rahim et Sidurg faisaient cavaliers seuls avec chacun une monture chargée de sacoches.

Je pensais qu'il me réprimanderait sévèrement, mais il n'en fut rien. La première heure, Guillem garda le silence, concentré sur le choix du chemin à prendre. Nous étions à la tête de notre groupe, et je devais avouer que je n'étais pas mécontente de ne pas subir les assauts de curiosité de Monessa ou la colère de sa mère. Nous n'empruntions pas de sentiers tracés, probablement pour éviter les mauvaises rencontres, mais cette option rendait notre progression plus fastidieuse. J'observais avec attention tout ce qui m'entourait, comme un enfant qui découvre le monde. Je tâchais surtout de penser à tout sauf aux révélations d'Azrel. Je comprenais à présent pourquoi il avait refusé que je parle à Vaëlle de mes précédentes démonstrations de magie. Il savait qu'il aurait vite été démasqué. Azrel, le frère, demi-frère, d'Eryne, la sorcière qui avait assassiné ma mère, qui m'avait condamnée à la naissance, la source de tous mes problèmes. Je n'arrivais pas à intégrer cette information bien trop choquante. S'il disait vrai, Azrel pouvait défaire le rituel de sang qui retenait ma nature Faée et me détruisait. Ce que je ne parvenais pas à expliquer, c'était son comportement contradictoire. Il m'avait sauvé la vie à plusieurs reprises, m'avait prise pour amante, et j'étais certaine qu'il ressentait au minimum de l'affection pour moi, si ce n'était plus. Il m'avait écrit des poèmes émouvants, s'était inquiété pour moi, il m'avait même avouer m'aimer... mais n'avait rien tenté pour me préserver de ce sort qui me rongeait. Je sortis le petit carnet de poésie de la veste que Monessa m'avait tendue au début de notre voyage. Azrel... Je lui en voulais, j'étais même furieuse après lui, mais je n'arrivais pas à le détester. Je commençais à m'agiter derrière mon cavalier, prise d'un sentiment de malaise.

– Désires-tu me parler ? me demanda Guillem de sa voix la plus douce.

Il y avait tant à dire ! Les mots se mélangèrent dans mon esprit, se bousculant pour tenter de sortir dans un ordre que je ne parvenais pas à maîtriser, ce qui donna :

– Azrel est le frère d'Eryne.

Un résumé concis. Mon oncle se tendit sur sa monture, mais il garda le silence, me laissant le temps nécessaire pour formuler le reste de mes pensées. Lentement, mais sûrement, je lui répétai toute l'histoire. L'amante humaine du père d'Azrel, cet amour déraisonné (Romyx ? ou quelque chose dans ce ton-là) qui poussa le Démon au meurtre. La fuite de Lys et de ses deux petites. J'expliquai le rôle de protecteur que s'était donné Azrel, les talents d'Eryne, l'aînée. Mais aussi la descente aux enfers de cette famille à cause de la trahison du maître sorcier. Ma voix tremblait d'émotion quand je terminai mon récit avec ce qui fut à la fois la fin de Delila et ma venue au monde. Guillem émit un long soupir. Il semblait perdu dans ses réflexions. Le cheval de Vaëlle et Monessa arriva alors à notre niveau. Mon amie m'adressa un léger signe d'encouragement tandis que sa mère cherchait du réconfort dans les yeux de mon oncle. Elle semblait en proie à une profonde détresse, et je culpabilisai d'en être la cause.

– Que fait-on à présent ? demanda la petite blonde.

– Nous nous rendons à la cour de Fytalie, répondit Guillem.

– Contournerons-nous les montagnes du Spectre ou irons-nous au passage côtier ? l'interrogea Vaëlle d'une voix tremblante.

– Le passage, sans hésiter. Nous gagnerons trois à quatre semaines de voyage.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant