Chapitre 31

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Le Grand Tout n'avait pas été sensible à nos prières. À deux jours de notre arrivée au fameux passage, il pleuvait sans discontinuer. Et comme il n'y avait ni refuge ondin ni auberge appartenant à des sympathisants des Faés, nous dormions dans des conditions déplorables. Sans vêtements adaptés, nous étions tous trempés jusqu'à l'os. Seul point positif : il faisait chaud, presque trop. De temps en temps, Guillem détournait l'averse pour former un petit dôme protecteur au-dessus de nous, mais il ne tenait pas plus de deux heures, et je voyais bien à quel point cela le fatiguait. Ses cernes étaient de plus en plus marqués malgré les breuvages de Vaëlle, concoctés à partir de ses cueillettes locales. Il allait devoir retourner à Ewaden rapidement, même s'il m'avait assuré à plusieurs reprises que ce manque ne le tuerait pas. Je souffrais de le voir s'affaiblir de jour en jour. Je finis par le supplier d'arrêter ses manœuvres et j'observais à présent avec résignation les ridules qui étaient apparues au bout de mes doigts.

– Je connais une cavité rocheuse où nous pourrions attendre au sec que le passage soit plus praticable, nous informa Sidurg.

Le jeune espion regardait avec inquiétude Monessa. Moins résistante que nous autres, elle frissonnait malgré les températures élevées et son moral semblait au plus bas. Si l'attention du doté envers mon amie aurait pu me donner du baume au cœur, je ne pouvais que partager son défaitisme. Vaëlle et Rahim se relayaient pour lui fournir des couches supplémentaires d'habits, le temps d'essorer les siens. Je ne voyais pas l'intérêt : en cinq minutes, ils étaient à nouveau détrempés.

L'arrivée dans le refuge de Sidurg fut une véritable fête. Nous peinâmes à lancer un feu, mais une fois cette tâche accomplie, nous fîmes sécher tous nos textiles. Nous étions tous en sous-vêtements, mais la pudeur n'avait plus sa place parmi nous après quatre jours de galère. Pour la première fois, je refusai un entraînement à mon oncle, et profitai plutôt du moment pour terminer le livre de Monessa, retranchée dans un coin de la grotte.

J'en étais presque arrivée au bout quand une sensation étrange me retourna l'estomac. Je regardai autour de moi et constatai que je lisais dans une quasi-obscurité. Monessa et Vaëlle dormaient blotties l'une contre l'autre. Rahim était plongé dans un de ses ouvrages de divination. Il n'essayait plus de se cacher et sa mère l'avait même aidé à faire sécher une grande feuille pliée en quatre. Chose plus surprenante, Guillem s'était également laissé emporter par le sommeil. Sa poitrine se soulevait à un rythme lent et régulier et son visage encadré par ses cheveux blancs avait à présent l'air apaisé. Le pauvre était vraiment épuisé. Quant à Sidurg, il était assis contre une paroi, aussi raide qu'un piquet et dans un immobilisme parfait. Un peu effrayant. Je me relevai discrètement. Je fus submergée par une envie urgente de m'éloigner, comme un besoin vital. J'enfilai ma robe encore humide et m'approchai de l'entrée. La pluie s'était calmée, mais pas arrêtée. Ce fut à ce moment que je la sentis, cette odeur de pin et de terre si caractéristique. Azrel, Azrel était revenu. Sans prendre le temps de mettre mes chaussures, je sortis de mon abri et me plongeai dans la nuit, le cœur battant.

Je savais instinctivement la direction à suivre, et mes pas timides s'affirmèrent petit à petit. Quand soudain, un homme tout de bleu vêtu surgit devant moi. Il tenait fermement une épée dont la pointe vint se poser à la naissance de ma gorge. Je voulus reculer, mais une autre lame s'enfonça légèrement dans mon dos, m'immobilisant instantanément.

– Si vous criez, je vous transperce, bâtarde, fit une voix masculine derrière moi.

Le soldat face à moi m'adressa une œillade sadique qui me fit frissonner, et un troisième gaillard apparut sur ma gauche, jouant avec un cordage qui m'était certainement destiné.

– Armila Wam Paskey, dit-il avec un dégoût non dissimulé. Vous allez crever, par ordre de dame Flora, souveraine d'Ewaden.

Puis il agita son lien sous mon nez avec un sourire hautain.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant