Chapitre 4 - livre 2

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Je haletai, accrochée au cou de Vaëlle. Je secouai mon épaule douloureuse de façon saccadée, pour finalement me rendre compte que je n'étais pas blessée. Encore une vision, si ce terme pouvait s'appliquer aux sensations qui me submergeaient. Faucon couina tristement avant de se frotter contre moi.

– Armila, souffla la sorcière. Ce qui t'arrive n'est pas normal. Le lien créé par le rituel de Rahim ne s'est pas rompu. Guillem s'en doutait, mais ton caractère de mulet ne nous aide pas à veiller sur toi.

– Je vais bien, Vaëlle. Tout va bien. Je suis certaine que ça va passer.

– Tu n'en sais rien, ma belle, mais je vais te fournir un dernier conseil : fais en sorte que cet incident ne soit pas connu du seigneur Alan. J'ai peur qu'il s'en prenne à mon fils s'il se rendait compte du problème. Peux-tu faire cela pour moi ?

– Bien sûr.

À travers le miroir, Vaëlle m'offrit un sourire peu convaincu, mais eut la présence d'esprit de me laisser seule. J'observai mon reflet. Quand j'étais retenue prisonnière par le sort d'inhibition, j'étais déjà ce qu'on pouvait qualifier de jolie jeune femme. Mais à présent que ma nature faée avait éclos, j'étais assurément belle, très belle. Et pourtant, je me trouvais monstrueuse. Mes immenses yeux violines étaient soulignés par d'imposants cils recourbés, mon visage pâle d'une perfection écœurante était encadré par deux horribles oreilles pointues, ou plutôt acuminées pour utiliser le lexique en vigueur. Mes longs cheveux blond cendré avaient gagné en épaisseur et en vitalité, et c'était peut-être le seul point pour lequel je n'avais rien à redire. Mon corps... était devenu sculptural : une poitrine et un fessier tout en formes séparés par une taille à la finesse délicate, surmontant des jambes interminables. Toutes les jeunes filles en rêveraient, mais je ne reconnaissais pas mon reflet dans le miroir. Cerise sur le gâteau, je possédais une paire d'ailes gris clair que j'étais parvenu à faire sortir une fois, dans un accès de colère. Depuis, je ne les avais jamais revues et je priais pour qu'il en soit ainsi jusqu'à la fin de mon immortelle vie. Mais je savais qu'elles étaient là, en moi, et cette idée me donnait la nausée. Je coupai court à mes réflexions pour me rendre auprès du seigneur des lieux, avec un enthousiasme proche du néant.

J'entrai dans la salle de réception par la petite porte arrière avec la boule au ventre puis rejoignis le trône surélevé où était assis mon grand-père, enfonçant mes pieds dans les épais tapis. Alan avait toujours un physique de jeune homme, je ne lui aurais pas donné plus que la trentaine. Il était pourtant âgé d'au moins deux millénaires et avait donné naissance à deux filles : Delila, ma mère, et Lucina. Il avait peigné ses longs cheveux blonds en trois chignons travaillés, et sa tenue aussi grise que les pierres de ce palais renforçait son aura d'autorité. Tout en lui évoquait sa puissance. Il parut content de me voir approcher. À moins que ce ne soit ma toilette et ma crinière coiffée en tresses élaborées qui le satisfaisaient. Ou bien les deux. Lucina, qui se tenait alors debout à côté du siège laissé vide par sa mère, me fit signe de la rejoindre, un large sourire aux lèvres, tandis qu'un nombre incroyable de gardes se placèrent le long des murs. Une vingtaine de courtisans, dont une Sylphe avec qui j'avais déjà échangé quelques mots, se pressaient autour de leur monarque dans des postures altières et sérieuses, se forçant à ne pas attarder leurs regards sur moi. Ainsi était ce peuple : fier et observateur. Tout près de nous, Nalbine, la première sorcière de Lucina, et les deux assistants du couple seigneurial étaient aux aguets, prêts à défendre leur maître au moindre problème.

– Tu as fait bon voyage, marmonnai-je à ma tante dans un effort surhumain pour faire la conversation.

– Oui, la météo est encore agréable.

– Qu'as-tu fait durant ces trois semaines ?

– En tant qu'héritière du royaume, je me dois d'aller à la rencontre de toute personne pouvant apporter un réel bénéfice à Fytalie.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant