Chapitre 8 - livre 2

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Sur un coup de tête, j'avais jeté ma somptueuse robe dans la rivière. Mes ailes rétractées, j'avais voulu m'alléger encore davantage. C'était une manière de tirer un trait définitif sur ma vie de château, et ce geste m'avait libéré d'un poids. À présent, je regrettais. C'était stupide, mais j'étais ainsi : agir sans réfléchir. Les nuits commençaient à se rafraîchir en cette fin d'automne. Non seulement je grelottais, le haut du corps simplement vêtu d'un corsage à dentelles des plus indécents, mais en plus, je me disais que ces tissus nobles auraient pu faire une monnaie d'échange. Je me collais à Faucon en regardant les flammes de notre feu de camp. De temps en temps, je lançais une œillade en direction d'Azrel. Mais je me détournai avant que les larmes me submergent.

Lorsque nous avions ralenti, au moment où le soleil nous offrait ses derniers rayons, j'avais tenté d'engager la conversation. J'étais loin d'être une personne bavarde, mais j'avais besoin d'entrer en communication avec mon Démon. Et le Romyx ne ressemblait plus qu'à un lien fantôme inexploitable. Malheureusement, la plupart de mes questions étaient restées sans réponse. Parfois, il se redressait en sursautant, regardait de tous côtés, le visage rempli de terreur, puis il prenait conscience de ma présence et m'adressait toujours les mêmes mots, en boucle : « Je t'aime, Romiya », « Tu m'as rendu mon cœur, je le sens », ou encore « J'ai perdu mon âme ». Le tout agrémenté de grimaces de douleur. Au moins n'essayait-il plus de me tuer.

Azrel avait lancé notre feu à ma demande, sans rechigner. Puis il était allé se poser contre un tronc, et depuis, il ne bougeait plus, les yeux dans le vide. Régulièrement, Faucon allait lui lécher les joues, récoltant une rapide caresse. Je devais à tout prix l'aider à retrouver ses esprits, mais comment ? Prenant mon courage à deux mains, je me levai pour le rejoindre, quittant le pelage chaud de mon chien. Azrel me regarda approcher, esquissa un léger sourire avant de grimacer et de retourner à son état végétatif. Je soupirai et m'assis à ses côtés.

– Comment te sens-tu ? tentai-je.

Pas de réponse. Je posai une paume hésitante sur sa cuisse, ce qui le fit sursauter. Je la retirai d'un geste vif, mais Azrel la saisit promptement et la ramena au niveau de son ventre. Puis tout s'enchaîna rapidement. Mon Démon poussa un cri de rage et me bascula sur le dos. Il s'allongea sur moi de sorte à m'immobiliser, et plaça ses deux mains sur mon cou. Après une seconde d'hésitation, il commença à serrer. Je voulus me débattre, mais, même amaigri, il était bien plus fort que moi. Faucon se jeta sur lui, mais il n'y prêta aucune attention.

– Azrel ! tentai-je tant que je le pouvais encore.

La rage ne quittait pas ses iris dorés, et il raffermit ses doigts autour de sa prise. Faucon se mit à grogner tout en poursuivant son attaque.

– Je t'aime, m'étouffai-je.

Je fermai les yeux, et cessai de me débattre. Je ne pouvais pas... pas contre lui. Au même moment, il me lâcha. Mes paupières s'ouvrirent sur son visage paniqué. Il recula en appui sur ses mains jusqu'à buter contre une souche. Faucon s'écarta en gémissant.

– Pars ! Pars ! me supplia-t-il.

– Non, je ne t'abandonne pas, fis-je d'une voix éraillée.

Je frottai mon cou endolori en me redressant. Je n'en voulais pas à Azrel. Il était clair qu'il agissait contre sa volonté. Mais alors, quelle magie pouvait être à l'œuvre ? Les yeux remplis de larmes contenues, je m'approchai prudemment de mon amant. Il se plaqua davantage contre la souche sans me quitter du regard.

– Romiya, gémit-il.

Quand je fus à sa hauteur, je lui caressai les cheveux. Il se laissa faire, et je perçus ses épaules se détendre. Encouragée, je humai timidement son odeur de forêt qui m'avait tant manqué. J'avais glissé jusqu'à son cou sans m'en rendre compte, les yeux clos. Je sentis ses doigts frôler mon menton, puis jouer avec mes cheveux. Sans ouvrir les paupières, je lui demandai :

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant