Chapitre 16 - livre 2

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Après la réception du courrier de Lucina, mon oncle et sa compagne étaient partis à ma recherche. Le hasard avait fait que nous n'étions qu'à moins d'une semaine de leur point de chute. Ils rencontrèrent Huko deux jours plus tard. Le Korrigan les informa de la rumeur faisant état d'un groupe de cinq étrangers un peu trop mystérieux pour les gens du coin sur la ville de Rada. Ils avaient quitté les lieux très rapidement pour prendre la direction de Doline. Il s'agissait de nous, évidemment. Et nous les avions retrouvés à temps.

J'écoutais, sans vraiment comprendre le sens de leurs paroles. Je me sentais nue, vide, méprisable. Lucina avait pensé de mauvaises choses sur moi, et je lui en aurais certainement beaucoup voulu si elle n'avait pas été la première. Il y avait forcément une part de vérité. J'étais nulle, voilà tout. Et en plus de cela, je n'attirais que le malheur aux gens qui ne me méprisaient pas. Alan et Coralina : menacés par deux royaumes. Vaëlle : son manoir réduit en cendre. Guillem : banni et affaibli. Azrel : privé de son âme et de son cœur. Rahim : dans l'impossibilité de postuler pour la cour Korrigane. Sidurg : un déserteur. Monessa : trimballée dans mon sinistre sillage. Je n'arrivais plus à avoir de pensées cohérentes, engloutie par ces flots incessants d'idées sombres. J'avais l'impression d'être à nouveau Armila Pona, fille de paysan, jolie mais simplète, agile, mais associable. Quelque part, j'avais le sentiment que je serais toujours elle, peu importe mes actes. Et j'en fus profondément meurtrie. Tout à ma tristesse, je fis ce que je savais faire le mieux : me taire.

Azrel ne se laissa pas examiner par Huko, et Faucon se montra suffisamment menaçant pour lui ôter toute envie d'insister. Je crois que j'y étais pour quelque chose. Il me jetait des regards soucieux, mais ne semblait pas comprendre pourquoi mon état le touchait autant. Vaëlle expliqua qu'en l'absence du sort d'ancrage, il n'avait plus aucun objectif et que progressivement, ses phases de perdition gagneraient en intensité jusqu'à ce qu'il oublie à tout jamais qui il était. J'en vins à me demander si cela ne valait pas mieux pour lui. Au moins pourrait-il se tenir éloigné de moi. Mais non, je n'arrivais pas à m'en convaincre. Pourtant, je ne fis rien pour l'apaiser. Rien pour calmer Faucon. Je chassais même la main que Monessa avait voulu poser sur mon épaule. Je saturais, littéralement. C'était trop, bien plus que je ne pouvais supporter. Je n'étais pas comme Guillem. Je n'étais pas... j'étais moi. Est-ce que ma froideur inquiéta mes amis ? Peut-être, j'occultais le monde autour de moi, m'immergeant entièrement dans les abysses de mon esprit. Finalement, je me laissai guider jusqu'à une chambre que je partagerais avec Monessa. La pétillante blonde essaya de me redonner le sourire, s'émerveillant du fait que sa mère et mon oncle aient pu nous retrouver. Mais je m'assoupis au milieu de son monologue.

J'avais dormi d'une traite. Un sommeil profond, réparateur, porteur d'un nouvel espoir. Quand j'ouvris les yeux, le soleil semblait déjà haut dans le ciel. Monessa n'était pas dans son couchage. Soit elle était réveillée, soit elle avait rejoint Sidurg. Je frissonnai. L'air était froid. Étrange. Personne n'avait pensé à mettre en route une flambée ? Et pourquoi la maison était-elle si silencieuse ? Mon ventre se noua, ma gorge s'assécha. J'enfilai mon pantalon et mon pull en vitesse, les oreilles à l'affût du moindre indice. L'angoisse montait crescendo et je déboulai en courant dans le salon. Ils étaient là. Tous. Guillem, Vaëlle, se tenant la main. Sidurg et Monessa, tête contre épaule. Rahim, pieds nus sur le parquet, les cheveux en pagaille et la mine soucieuse. Huko, calme et observateur. Et Azrel. Azrel. Blanc comme un linge, le corps agité par des balancements répétitifs, les yeux en perpétuel mouvement. Ils étaient tous les sept postés devant la cheminée, debout ou assis. Je ne voyais pas le foyer, mais j'étais sûre d'une chose : aucun feu ne brûlait dans l'âtre. Et, il manquait quelque chose... j'avais un sentiment de vide.

– Que se passe-t-il ? demandai-je.

– Armila, ta nuit a-t-elle était agréable ? fit Vaëlle avec un sourire gêné.

Elementals - la saga d'Armila (livres 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant