Guiliana est une brillante étudiante en médecine. Depuis son enfance ses parents ont planifié chaque étape de vie, l'encourageant à poursuivre une carrière prestigieuse et sécurisée. Cependant, une passion secrète grandit en elle : la mode. Fascinée...
Un jour de plus ici et je jure d'y mettre le feu. Littéralement. Peu importe combien de fois j'ai dis me sentir mieux, ma mère refuse d'entendre raison, et me couve de ses incessantes délicates attentions. Pourtant je ne suis pas de ces gamins que l'on étouffe à force d'amour. Le bon côté des choses -et pas des moindres -, c'est que cette convalescence m'aura permis de la voir plus souvent. Le mauvais, à ce rythme il ne restera bientôt de moi qu'une âme désespérée de retrouver sa liberté. L'entreprise a besoin de moi, les responsabilités aussi. Bref, toutes ces choses que je n'ai jamais vraiment aimées mais qui, bizarrement, me manquent.
Jim passera me récupérer ce soir pour l'affrontement des Yankees contre les Tigers. On ira boire un verre ensuite, au souvenir du bon vieux temps. Qui sait, ce match me sauvera peut-être de mon ennuie, ne serait-ce que pour quelques heures, car il n'y a que dans le monde réel je me sentirai réellement vivant.
La journée s'écoule à une lenteur insoutenable. Chaque minute est un supplice, les secondes, une épreuve de patience. Psychologiquement je suis en veille, privé de mon boulot et de mes habitudes. À cela s'ajoutent la rééducation, un régime de moine tout aussi strict, et l'interdiction formelle de prendre le volant. Et puis il y a la peur d'une mère de perdre son unique fils, et je ne peux que le comprendre. En attendant je me raccroche à ce que je peux : Écrans. Jeux. Un ersatz de réalité pour ne pas sombrer dans la folie. À force de m'y perdre, je ne sais plus où commence une journée et où finit la précédente.
Je saisis mon smartphone. Mes doigts pianotent machinalement sur le clavier :
« À quelle heure passes-tu me prendre ? ».
J'appuie sur envoyer, puis troque mon tee-shirt contre le maillot des Yankees. C'est là que le téléphone vibre à nouveau :
- Ouais, mec ?
Bouffé par l'alcool, sa voix grésille dans le combiné. Je soupire parce ce que, comme trop souvent dans ces moments là, il essaie de parler mais cela ressemble à un charabia de mots incompréhensibles. Je serre les dents, encaisse. Encore. Même lorsqu'il se fout ouvertement de ma gueule, j'essaie de me montrer patient. Une dernière fois. Mais son rire persiste, alors je finis par raccrocher. Fataliste, je m'affale lourdement sur le lit, le regard planté sur le plafond en quête d'une occupation.
Fait chier !
M'emporter ne mènera à rien, je le sais. Je dois m'occuper l'esprit et vite. J'enfile mes chaussures, prêt à affronter ma mère que je surprends dans le patio avec Jim, dont le rire charmeur m'oblige à me racler la gorge pour interrompre leur discussion.
- Tiens, Nathan, nous parlions justement de toi ! s'écrie maman, enjouée.
Mon pote se lève d'un bond en affichant un sourire imbécile.
- Dans mes bras mon beau !
Le bourrin fonce sur moi, bras ouverts, dans une tentative de shampouinage que j'esquive de justesse.
Saoul, et déjà insupportable.
- Ça va mec. Tu ne veux pas me rouler une pelle, tant qu'à faire ? Je le repousse gentiment, un rictus de dégout aux lèvres.
Il empeste l'alcool à des kilomètres. Ce type est une tornade que rien ni personne ne peut arrêtée. Bref, du Jim tout craché. Et comme ce con adore se payer ma tronche, je suis prêt à parier qu'il prépare un sale coup. Comment fait-elle pour ne pas le voir...
- J'emmène Nathan faire une virée entre mecs, et c'est moi qui conduis ! il juge bon de préciser en la voyant froncer les sourcils.
Je capte son clin d'œil proche de la grimace en essayant de deviner quel plan farfelu se trame dans sa petite tête. Mais son sourire idiot disparaît lorsqu'elle se tourne vers moi, une main sur la hanche.
- Tu comptais me le dire quand ?
Sa voix se veut calme, mais j'y décèle un orage sous-jacent. Personne ne me dictera ma conduite, pas même la femme qui m'a mise au monde et ne cesse de me couver depuis l'accident qui n'était aucunement de sa faute . Simplement le destin tragique d'un homme qui se trouvait au mauvais endroit par un concours de circonstances. Ce drame aurait pu me coûter la vie pourtant je suis toujours là, en chair et en os, et c'est tout ce qui importe. Évidemment, maman ne l'entend pas de cette oreille, et cela je peux l'entendre. Mais ça ne peut plus durer.
- Je t'aime, tu le sais. Mais tu ne me sauveras pas en me gardant prisonnier. Ce n'est bon pour personne.
Elle hoche la tête, les yeux embués de larmes que la résignation ne parvient à contenir. Je m'en veux d'être aussi direct, mais c'est la seule façon de lui faire entendre raison sans que cela ne vire au drame. Et puis, l'heure n'est plus aux regrets. Si je veux m'en sortir, il faut que je quitte cette maison. Maintenant.
- Bien. Je passerai récupérer mes affaires tout à l'heure.
Les larmes suintent sur ses joues, et comme je ne fais pas dans la dentelle je décide d'embarquer mon pote avant que ses sanglots ne me fassent changer d'avis.
- Mec, t'as été dur.
La voiture démarre et je ne peux m'empêcher de regarder ma mère devenir un point flou à travers le rétroviseur.
- Elle s'en remettra, je mens.
Jim en profite pour changer de sujet.
- Bon, on zappe le match. Changement de programme.
Après tant d'années, j'aurais dû me douter que cette invitation cachait tout autre chose. Je lève un sourcil.
- T'es sérieux ?
Il jubile.
- À quand remonte ta dernière entrevue avec une paire de fesses ?
Bonne question, mais attends voir...
- T'es en train de me dire que j'ai planté ma mère pour finir dans une putain de maison close ?
- Détends-toi. Tu t'en est bien tiré jusqu'ici, mais aujourd'hui tu n'as plus d'excuses pour te défiler. Alors pourquoi ne pas en profiter pour te remettre en selle. Qui sait, tu rencontreras peut-être la femme de ta vie !
Trouver l'âme sœur dans un bordel ? Ce gars est irrécupérable. J'aimerais pouvoir me bercer d'illusions, mais cette vie-là n'est pas pour moi. Ce connard a beau le savoir, il n'en démordra pas avant de m'avoir maqué.
- Bon, très bien, je concède. Mais tu me dois un match.
- Yes ! Il hurle de joie en me déboîtant l'épaule au passage. Tu vas adorer ! En plus, y'a une bombe venue tout droit de France que je dois absolument te présenter.
En ce qui concerne les femmes, Jim est passé maître dans l'art du baratinage. Un charmeur sans foi ni loi qui peut séduire quiconque croise son chemin. Raison pour laquelle je ne laisserai jamais ma sœur en sa présence. Sa gueule d'ange pourrait lui être fatal.
- Et que fais-tu de la rouquine dont t'étais fou amoureux le mois dernier. Rappelles-moi son nom ?
- Personne, et pour ta gouverne c'est elle qui m'a largué ! il marmonne.
- Quelle tragédie ! je me marre. J'espère que ton nouveau jouet vaut la peine de louper le rendez-vous des Yankees.
Il sourit mais je le connais. Ce con a une idée derrière la tête.
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